#30 - Le duo violon-piano
Une histoire de par coeur, de crapaud et de... playlist ! ❤️🐸🎻🎹💿
Aujourd’hui j’aimerais vous parler d’une catégorie particulière de la musique de chambre.
La musique de chambre, c’est quoi ?
La musique de chambre, je vous en parlais déjà dans un article sur les festivals de musique de chambre.
Comme son nom l’indique, c’est une musique à effectif réduit…qui peut se jouer littéralement “en chambre”: la Musica da camera – que l’on joue à l’époque baroque dans les intérieurs des nobles.
Une des définitions (semi-)officielles consiste à dire qu’une œuvre de musique de chambre est dédiée à un petit ensemble composé de 2 à 9 instruments.
Aujourd’hui - le duo : 2 !
Violon-piano...ou plutôt piano-violon
Déformation professionnelle oblige – j’ai envie de vous parler du duo violon-piano, ou plutôt piano-violon !!
En effet, à l’époque classique, chez Mozart, le déséquilibre est frappant – c’est piano principal avec violon. Au cours du XIXe siècle, le violon gagne en importance et devient un partenaire égal. Le discours devient plus paritaire. Pour se rendre compte de cette évolution, il est intéressant de regarder le cycle des dix sonates de Beethoven. Dans les trois premières, le piano est aux commandes. Et puis au fil du corpus, les choses “s’équilibrent” jusqu’au cas frappant de la 9e sonate, la fameuse sonate à Kreutzer – où là le dialogue est concertant. Les deux instruments sont traités comme des solistes qui dialoguent ou, on pourrait dire, s’affrontent à armes égales ! D’ailleurs c’est cette sonate qui inspirera Tolstoi pour son roman éponyme. (livre qui ne donne pas vraiment envie de se marier…) 😅
Mais souvent il faut bien l’avouer, le piano a une partie énorme (regardez les sonates de Brahms, la sonate de Richard Strauss, la sonate de Franck… !!). Et même si les violonistes aiment à penser qu’ayant les lignes mélodiques et thématiques, ils “dominent” le discours, pas de doute : c’est dans la partie piano que se trouvent tout le support et toutes les richesses.
Partenariat musical
La semaine dernière j’ai eu la joie de jouer avec Abdel Rahman El Bacha au festival des Grandes Heures de St-Emilion. Nous jouons régulièrement ensemble avec Abdel Rahman depuis presque six ans maintenant. Et à chaque fois, c’est une expérience exceptionnelle pour moi, qui me donne l’impression d’aller plus loin.
Dès notre première collaboration à Marseille lors de la Folle Criée consacrée à Beethoven en Novembre 2013, l’entente a été évidente. Dès les premières pages jouées ensemble à la répétition, il était clair que nous n’aurions pas besoin de discuter, “négocier”, argumenter…Il y avait une compréhension mutuelle et nous étions – dit de manière prosaïque- sur la même longueur d’ondes.
Lors du concert, Abdel Rahman a joué par coeur. N’étant pas prévenue qu’il aimait se produire sans partition également en musique de chambre (la plupart du temps quand les pianistes jouent par coeur, c’est en récital ou en concerto bien sûr, mais très très rarement en musique de chambre), je n’avais pas mémorisé ma partie. Pas de problème. Nous avons joué ainsi – moi, avec partition, lui sans. Cela était anecdotique finalement. Et surtout, le concert avec la sonate à Kreutzer avait été exaltant.
Pourtant cela m’avait intriguée. Je lui avais alors dit que si nous étions amené à rejouer ensemble, je serais heureuse de tenter l’expérience. Depuis, nous avons rejoué ensemble à diverses occasions au Japon, en France, dans différents festivals (Nantes, Cholet, Noirmoutier, Villevieille…).
Et j’ai fait l’expérience du par coeur en sonate – expérience aussi terrifiante avant de rentrer sur scène que galvanisante au moment de l’exécution !
Je vous en parlais déjà dans un article précédent sur le trac et sur la mémorisation.
Et la semaine dernière, j’en ai fait à nouveau l’expérience dans des sonates de Mozart, Beethoven et Franck. Et en sortant du concert, je me disais, une fois de plus, que c’était une chance extraordinaire de pouvoir approfondir un partenariat musical et développer cette confiance réciproque. C’est sans doute le fait qu’il y ait une écoute sensible et une disponibilité aux propositions musicales de l’autre – en temps réel sur scène !
Ainsi, chacun s’inspire tour à tour et le concert est une vraie aventure…qui peut amener loin !
Le Duo Ferras-Barbizet
En Janvier 2020, nous jouerons au Théâtre de la Criée à Marseille à nouveau. C’est un concert dont je me réjouis d’avance !
En quelque sorte, il s’agira de “jouer à domicile”, comme on dit en foot – ce qui ne m’arrive pas si souvent. Ainsi dans la salle il y aura des gens qui me connaissent depuis l’enfance – dont certains ont déjà réservé leurs billets ☺️❤️
Hyper touchée ! 🙂
De plus, ce concert a une signification spéciale car le programme est un hommage au duo fabuleux que formait le violoniste français Christian Ferras (1933-1982) avec le pianiste né au Chili Pierre Barbizet (1922-1990) – qui était d’ailleurs le fameux directeur du Conservatoire de Marseille !
Je l’ai d’ailleurs croisé dans les couloirs quand j’étais toute petite ! Pas grand, il avait une présence impressionnante…et avec sa voix rocailleuse – on le surnommait le crapaud 🐸
Un immense pianiste et pédagogue qui a marqué des générations et donné ses heures de gloire au conservatoire de Marseille.
Ferras et Barbizet avaient d’ailleurs l’habitude de jouer par coeur tous les deux leurs programmes de sonates. Ils apprenaient leurs parties respectives pendant leurs voyages en train – Je vous parlais déjà de l’importance du travail sur partition, travail mental pour intégrer le texte !
Les duos légendaires
En repensant à tout cela, je me suis dit que j’avais envie de partager avec vous des enregistrements de quelques duos légendaires. Vous connaissez déjà mon amour des grands violonistes, dont je vous ai parlé cet été sur France Musique dans la série intitulée “Mon coeur est un violon”.❤️🎻
Alors quand ces violonistes fabuleux jouent avec des pianistes non moins fabuleux…et bien, magie !
Cette semaine je vous propose une première playlist de musique française ou plutôt franco-belge qui a une résonance toute proustienne car ces sonates font partie des prétendantes au titre de modèle pour la sonate de Vinteuil de la Recherche du temps perdu !
Au menu,
- la sonate de Fauré nr.1 par Jacques Thibaud-Alfred Cortot
- la sonate de Franck par Jascha Heifetz- Arthur Rubinstein
- la sonate de Lekeu par Christian Ferras-Pierre Barbizet
Cette playlist est disponible sur ma chaîne YouTube ou ici : http://bit.ly/30ilxqP
Vous m’en direz des nouvelles !
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