#47 - Dessine-moi une fenêtre
Une histoire de remerciements, d'atelier et de ...conte oriental !
Chers amis,
Cette semaine, je partage avec vous un extrait du texte que Vanity Fair m’a demandé d’écrire sur mon confinement car en l’écrivant, j’ai pensé fort à vous tous, lecteurs de cette lettre musicale hebdomadaire.
Je voulais ainsi vous renouveler mes remerciements pour vos messages chaleureux, cette résonance que vous donnez et qui m’apporte tant d’énergie et de réconfort dans cette période si complexe pour nous tous…
" Pendant ce temps-là …"
Les premiers échos médiatiques de Wuhan fin Décembre, je m’en souviens très bien, pour la raison simple, que l’orchestre de Wuhan m’avait invitée à venir jouer en soliste en Octobre dernier.
Mais c’est seulement le 1er Mars que je commence à réaliser vraiment : le concert de lancement de mon nouveau disque, prévu le 3 Mars, est annulé pour des mesures préventives. Grosse déception, cela fait des mois que je travaille sur l’événement. Heureusement on nous laisse utiliser la salle et avec mon pianiste, nous organisons en dernière minute un live-streaming depuis la salle sur ma page Facebook. Cela se transforme en joyeuse fête musicale, connectée et interactive !
Mais voilà, c’était le temps d’avant. En y repensant, nous étions encore innocents et incrédules. Impossible de prendre la mesure du tsunami qui attendait le monde. Qui eut-cru que donner un concert dans une salle semblerait aujourd’hui si inaccessible ? Que le streaming depuis chez soi deviendrait la norme ?
A partir du confinement mi-Mars, un besoin de silence s’est imposé à moi pour encaisser le coup, comprendre ce qui était en train de se passer. Il y avait beaucoup d’ambivalence dans ce silence : parfois serein comme pour une période sabbatique que je désirais prendre sans pouvoir le faire depuis longtemps, une retraite un peu méditative. Mais aussi un temps long traversé parfois par une angoisse sourde. Un faux silence qui n’arrive pas à masquer le bruit incessant des urgences débordées, savoir les médecins au front, angoisse de la maladie et de la mort qui rôdent, la violence de ce confinement pour tant de personnes « mal » confinées et la complexité politique à l’échelle nationale, européenne et mondiale.
Et puis les annulations de concerts successives : quel avenir pour nous, les intermittents du spectacle ? Tout cela mêlé avec la sensation d’une impuissance profonde : à quoi sert la musique dans un temps de crise ?
Heureusement je me réchauffe le coeur lors d’apéros-skype. Avec mes amis, nous avons des discussions politiques passionnées, et dans le groupe WhatsApp un des membres nous lit chaque soir une poésie. De temps en temps, j’y dépose de temps en temps un lien musical, une musique-médicament.
Et puis, il y a un tournant. L’association Musique et Santé me demande de faire une vidéo musicale pour les soignants. Grâce à cette association, j’avais pu aller jouer à l’Hôpital Trousseau à l’automne, cela avait été magique. Grâce à cette demande de l’extérieur, je retrouve le chemin vers ma vocation.
Suite à la vidéo et à mes newsletters hebdomadaires, où je suggère des musiques qui font du bien à l’âme, je reçois tant de messages chaleureux que je comprends enfin que c’est précisément cela ma contribution dans ce temps de crise. Une contribution certes modeste, qui peut sembler futile mais c’est celle-là que je peux apporter… (la suite ici)
L'atelier
Depuis Mercredi dernier, j’ai donc commencé un atelier quotidien sur ma page Facebook que j’ai voulu comme une fenêtre ouverte.
On a tant besoin d’horizon, d’imaginaire, d’ouverture…
Alors, j’ouvre les portes de ma salle de travail.
On y parle de musique, d’histoire de la musique, d’histoires sur la musique.
La première séquence porte sur JS Bach et les Sonates et Partitas pour violon seul.
Dans les précédents épisodes, on a parlé de :
- rhétorique musicale
- de structures,
- d’archets et violons baroques
- de « sources » théoriques et historiques.
J’ai pioché dans ma bibliothèque pour lire des extraits de ces « sources » musicologiques ou littéraires qui m’inspirent, que ce soit des textes de Nikolaus Harnoncourt ou Joachim Quantz, Leopold Mozart (le père de Wolfgang), Hermann Hesse ou Umberto Eco.
Hier, pour préparer la Chaconne de la 2e Partita de JS Bach, nous avons parlé de la Passacaille de Biber.
Je vous l’offre ici comme une méditation musicale pour cultiver un silence intérieur.
Biber Passacaille par Marina Chiche
Dessine-moi une fenêtre...
Ce besoin d’ouvrir une fenêtre m’a fait penser à la magnifique « nouvelle orientale » de Marguerite Yourcenar intitulée
« Comment Wang-Fô fut sauvé… »
(je recopie d’un site)
Dans l’empire de Han, deux hommes, Wang-Fo un vieux maître en peinture et Ling, son disciple, parcourent les routes.
Tous les deux se sont rencontrés un soir, dans une taverne et depuis que la femme de Ling s’est suicidée, ils vagabondent ensemble, cherchant à peindre différents paysages.
Mais un jour, Ling et Wang-Fo se font arrêter par les gardes de l’empereur et sont conduit dans son palais.
L’empereur accuse Wang-Fo de l’avoir trompé sur le monde réel, car son royaume n’est pas aussi parfait que les paysages peints par Wang-Fo et qu’il a eu une énorme déception en découvrant la réalité.
L’empereur, pour le punir, décide de lui couper les mains. Ling se jette alors sur lui pour le tuer mais les gardes s’emparent de lui et le décapite.
L’empereur donne un ordre à Wang-Fo : avant de se faire couper les mains, Wang-Fo doit terminer une toile qu’il avait commencé il y a longtemps et qu’il n’avait pas pris le temps de finir.
Le peintre se met alors au travail. Mais pendant qu’il peint, la mer et la barque qu’il venait de dessiner sur la toile prennent vie. La mer envahit le palais et Ling, dans la barque, fait monter Wang-Fo dedans et tous deux s’enfuient.
Si vous voulez me rejoindre, je serai à ma fenêtre tous les jours de 18H à 18H30 !
En plus, du Facebook Live, les épisodes sont aussi disponibles en replay.
Un moment partagé pour cultiver ensemble notre jardin musical et pour s’évader…
P.-S. :
J’espère que vous et vos proches vous portez bien et tenez bon…
Prenez soin de vous !
Très affectueusement,
Marina 🎻
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