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La vie d’une musicienne dans votre boîte aux lettres !

Retrouvez chaque semaine dans votre boîte mail un nouvel article de Marina dans la série « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la vie d’un musicien pro » !

Un ton personnel, humoristique, à la fois pédagogique et simple pour vous faire partager des expériences parfois inattendues : 

.de la gestion du trac à la mémorisation, 
.de la santé des musiciens à la préparation d’un concert, 
.de l’histoire des grands violonistes à l’enregistrement d’un disque !

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#37 – Les “bis”

#37 - Les “bis”
Une histoire de pièces de genre, d'arrangements et ...de marguerites ! 🌼

🗓SAVE THE DATES
🗓SAVE THE DATES
– le 28 Janvier à Marseille au Théâtre de La Criée

– Concert de sortie de mon nouvel album à Paris le 3 Mars au Reid Hall ❗
Plus d’infos prochainement

Les "bis" et pièces de genre

ou pourquoi le classique peut être aussi populaire que la pop’ ! 😉

 

Aujourd’hui j’aimerais vous parler plus en détail d’une partie du répertoire que j’affectionne particulièrement : les « bis », les miniatures ou encore « pièces de genre ».

 

C’est un genre de musique qui est parfois laissé de côté, peu joué de nos jours et qualifié de léger par opposition à un autre répertoire dit « sérieux ».

 

Pourtant ces pièces peuvent être parfois miraculeuses et révéler un art particulièrement raffiné de la part des compositeurs et de leurs interprètes.

1. Enfance et rêves de violon

C’est par ce répertoire que j’ai cristallisé mes premières impressions fortes autour du violon, celles qui laissent une marque indélébile dans l’imaginaire et qui scellent des destinées.

 

C’est avec certaines de ces pièces de Fritz Kreisler notamment (dont je vous parlais la semaine dernière) que j’ai commencé mon apprentissage du violon.

 

Puis c’est mon professeur à Marseille, le violoniste d’origine arménienne Jean Ter Merguerian, élève de David Oïstrakh qui m’a initiée à la sensibilité aux détails : un art du dosage.

 

 

Une histoire de filiation… J’avais entre 11 et 15 ans. Rien n’était laissé au hasard.
Tout était passé au peigne fin. Dosage de chaque glissade, de chaque coup d’archet, car la magie ne tient qu’à un fil.

C’est d’ailleurs lui qui m’a fait découvrir les enregistrements historiques de David Oïstrakh, Jacques Thibaud, Ginette Neveu et, avant tout, de Jascha Heifetz ; une transmission d’un savoir-faire et une éducation du goût.

 

Ces pièces de genre, souvent courtes ont été largement enregistrées par les grands violonistes.
Aux premières heures de l’enregistrement, ces formats courts correspondaient parfaitement aux possibilités techniques limitées des disques (cire puis vinyles) en ce qui concerne la durée. Ils correspondaient aussi tout à fait au goût du public.

2. Un moment spécial du concert

Les « bis », c’est aussi un état d’esprit particulier pour les interprètes. Cela correspond à un moment de partage pur, où une certaine détente s’installe (enfin !).

C’est le moment où, ayant fait ses preuves avec des œuvres plus « sérieuses », on se sent libre de se faire plaisir et faire plaisir à son public sans retenue, en rivalisant de virtuosité, de panache ou de lyrisme selon les fois.

 

On raconte que le grand pianiste Vladimir Horowitz faisait parfois une dizaine de bis à la fin de ses récitals. Certaines n’attendaient que ce moment !

 

Un peu comme à un concert de jazz, où l’on attend les standards

 

 

ou, en pop, un « tube » que l’on connait par coeur … le moment où on sortirait un briquet dans un concert d’un chanteur à succès.

 

Il existe d’ailleurs des histoires savoureuses. Certains grands violonistes (on cite Bronislaw Huberman ou Misha Elman comme exemple selon les sources) profitaient de bis assez simples pour compter le nombre de personnes dans le public pour ne pas se faire arnaquer par son impresario !

3. Play it again Sam

« Bis« , ce mot latin veut bien dire littéralement « une deuxième fois, une répétition ». D’ailleurs en anglais, on dit « encore ».

 

En allemand, ont dit « Zugabe » – dazu + geben ( donner en plus ) : un supplément !  » – dazu + geben ( donner en plus ) : un supplément ! peut-être un supplément d’âme aussi !

 

En tout cas, un moment de générosité, les interprètes font don d’une pièce, rajoutée après un programme.

 

Cette idée de répétition vient de l’histoire aussi, notamment du monde de l’opéra.

 

En effet, il n’était pas rare au XVIIIe et XIXe qu’un chanteur ou une chanteuse soit tellement applaudi.e qu’il devait répéter son air, son « numéro ». Il bissait !
Et ce, quitte à interrompre le rythme dramatique et à sacrifier toute forme de logique narrative…

4. Pièces de genre

Souvent il s’agit de « vignettes » musicales qui peuvent être des danses de caractère ou évocations de couleurs locales, un peu comme dans un album de voyage. Des cartes postales.

À chaque vignette parfois jaunie, on imagine une histoire, une situation ou un souvenir qui nous transporte aussitôt dans le temps et dans l’espace.
Par exemple, on valse dans une Vienne nostalgique…

Marina Chiche & Aurélien Pontier / Kreisler Liebesleid

 

Souvent, on y danse dans une Espagne fantasmée (les « espagnolades » de Sarasate par exemple), ou encore on récite ou chante une Romance …Il y a plusieurs typologies que l’on peut distinguer!

 

Virtuosité ou lyrisme, couleurs nationales, il y a en a pour tous les goûts et toutes les ambiances !

 

Cela ressemble aussi aux courtes séquences de danses de caractère, numéros attendus dans un ballet du XIXe.

 

Vous vous souvenez des illustrations géniales du Casse-Noisette dans Fantasia ?

 

5. Transcriptions, arrangements

Il s’agit rarement de compositions originales. Beaucoup reposent sur le principe soit de la transcription, de l’arrangement voire du pastiche.

 

L’idée de l’arrangement et de la transcription remonte à loin dans l’histoire. Cela se pratiquait par exemple au Moyen-âge et à l’époque baroque, non-stop ! (concertos de Bach, Vivaldi…)

 

En effet, on faisait passer une œuvre à un autre instrument. Une manière de transporter la musique et aussi de se l’approprier !

 

L’écriture d’un arrangement réussi peut être bien plus complexe qu’il n’y parait car il faut arriver à s’adapter aux contraintes de l’instrument pour lequel on écrit, tout en exploitant toutes ses possibilités idiomatiques et autres effets techniques (pizzicato, harmoniques pour le violon).

 

Une transcription est réussie lorsque l’on a Une transcription est réussie lorsque l’on a l’impression que la pièce a été écrite pour cet instrument dès le départ !

 

Cela peut générer une grande virtuosité pour les interprètes.

 

Pour les écrire, il faut faire preuve d’une sacrée imagination ; certaines sont d’ailleurs plus ou moins fidèles à l’original.

Et parfois, elles sont … encore meilleures ! 😀

6. Jeu sonore ou trois nuances de marguerites ! 🎶

Je vous propose d’écouter trois versions de la même œuvre :

Marguerites / Daisies de Rachmaninoff

– la version originale (originelle ?!) pour voix et piano

– la transcription pour piano seul qu’en a faite Rachmaninoff lui-même
=> par lui-même ! ⭐️
qu’en a faite Rachmaninoff lui-même
=> par lui-même ! ⭐️
Rachmaninoff plays Rachmaninoff

– la transcription qu’en a faite le grand Jascha Heifetz pour violon et piano !

  • La version originelle de Daisies de Rachmaninoff – pour voix et piano. Texte en russe.
  • Rachmaninoff joue sa transcription pour piano de la mélodie qu’il a écrite pour chant et piano.
  • Jascha Heifetz joue sa transcription de Daisies de Rachmaninoff… Un régal !
    Comme si cette oeuvre était écrite pour le violon…

https://www.youtube.com/embed/7NioODDAGwU

Fascinant, n’est-ce pas ?
Vous préférez laquelle ?

P.-S. :

En Février 2020 sortira chez NomadMusic mon nouvel album avec au piano, Aurélien Pontier 🎹 en hommage à Fritz Kreisler et à Jascha Heifetz 😉

Sans trop en dévoiler, je peux vous dire qu’il y aura des valses…et des fleurs! 🌼

💿 Dans les bacs et en ligne, le 7 Février !

🗓SAVE THE DATE : Concert de sortie à Paris le 3 MARS 2020 au Reid Hall

 

🎬

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#36 – Fritz Kreisler, le grand violoniste qui avait fait médecine

#36 - Fritz Kreisler, le grand violoniste qui avait fait médecine
Une histoire de médecine, de tranchées et de... disque de violon !

🗓SAVE THE DATES
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– le 28 Janvier à Marseille au Théâtre de La Criée

– le 3 Mars à Paris : Concert de sortie de mon nouvel album au Reid Hall ❗
Plus d’infos prochainement

Peut-on faire médecine et devenir un grand violoniste ?

ou pourquoi tout le monde devrait connaitre Fritz Kreisler !

 

Aujourd’hui j’aimerais vous parler du grand violoniste autrichien Fritz Kreisler (1875-1962).
Kreisler était un immense violoniste, sans doute l’un des plus grands du XXe siècle. Il laisse des enregistrements d’anthologie et tous les musiciens qui ont eu la chance de l’entendre en vrai et de le côtoyer sont unanimes : c’était un violoniste unique, à la sonorité absolument irrésistible et un vrai gentleman.

 

 

A écouter absolument !
💿 A écouter absolument !
💿 Kreisler by Kreisler : cliquez ici

Un parcours de vie exceptionnel

Fritz Kreisler, c’est aussi un parcours de vie passionnant, la petite et la grande histoire qui se croisent et une source inspiration pour tout le monde !

A suivre les différentes phases de sa vie et de sa carrière, on retrouve des valeurs de persévérance et de curiosité, des doutes, des échecs et de triomphes, des exils, une force de réinvention de soi…

Regardez plutôt !

  • Après des études précoces au Conservatoire de Vienne, il vient étudier au Conservatoire de Paris et en ressort avec son premier prix à douze ans.

    et en ressort avec son premier prix à douze ans.

    Ce fut une de mes grandes découvertes de l’été lors de mes recherches sur la grande violoniste française Ginette Neveu (1919-1949) : combien de grands violonistes du monde entier sont passés par le conservatoire de Paris au XIXe puis au début du XXe !



    => Sur ce sujet, vous pouvez ré-écouter en podcast l’épisode 4 de la série « Mon coeur est un violon » intitulé  » Paris 1900 : Capitale du violon « 

 

 

Kreisler y étudie dans la classe du belge Lambert Massart qui écrit à son père :
 » J’ai été le professeur de Wieniawski et de beaucoup d’autres, mais le petit Fritz sera le plus grand de tous. « 

  • Il fait ses débuts aux Etats-Unis comme enfant prodige lors d’une grande tournée. Pourtant sa carrière de prodige ne décolle pas vraiment !
  • Alors, il rentre à Vienne faire des études générales et se passionne de littérature, apprend plusieurs langues ainsi que le latin et le grec.



    Qui a dit qu’il fallait ne faire « que » de la musique ? Et si la spécialisation n’était qu’une obsession de notre temps, même dans le domaine de la musique ?
  • Il fait deux ans d’études de médecine à l’université de Vienne, études qu’il abandonne pour aller faire un an de service militaire obligatoire.

    A son retour, il reprend le violon ! Mais les choses ne sont pas simples…Entre-temps plusieurs enfants prodiges fraîchement arrivés occupent la scène.
  • il rate le concours pour devenir assistant-concertmaster (premier violon solo) de ce qui sera l’Orchestre philharmonique de Vienne.
    On ne parle que bien rarement des échecs, pourtant qui n’a pas connu ce genre d’expérience ?
  • Il travaille encore plus intensément. Un an après, le chef Hans Richter l’invite à jouer en soliste avec cet orchestre qui ne l’avait pas accepté dans ses rangs !
    qui ne l’avait pas accepté dans ses rangs !
    belle preuve de persévérance
  • Sa carrière internationale explose : Berlin, toute l’Europe, les Etats-Unis à nouveau.
    Il enregistre notamment des disques pour le label RCA Victor et devient un nom célébrissime comme le ténor Caruso ou le pianiste Paderewski – un des Victor Immortals.

 

 

Il faudrait là aussi citer la merveilleuse violoniste américaine Maud Powell (1862-1920), qui a été tristement invisibilisée dans l’écriture de l’histoire des grands violonistes.
Je vous reparlerai !

  • La petite et la grande histoire se croisent
    Kreisler se retrouve engagé dans les tranchées de la 1ère Guerre mondiale du côté autrichien.

    Blessé sur le front russe, il écrit un livre là-dessus : Four weeks in the trenches.

 

 

Mais lorsque les Etats-Unis rentrent en guerre en 1917, cela se retourne contre lui ! Il doit alors annuler tous ses concerts. Il écrit un long texte dans le Mais lorsque les Etats-Unis rentrent en guerre en 1917, cela se retourne contre lui ! Il doit alors annuler tous ses concerts. Il écrit un long texte dans le New York Times pour justifier sa neutralité.

Sa popularité finit par se rétablir.

  • Puis c’est la 2e Guerre Mondiale qui s’annonce et des exils successifs.
    Kreisler établi alors à Berlin quitte l’Allemagne pour la France qui lui offre la citoyenneté francaise en 1938.
    Ceci dure jusqu’à l’établissement du régime de Vichy en 1940. Kreisler part alors pour les Etats-Unis.

Des disques et des "bis" ! 💿

Heureusement pour nous, il reste de très belles traces discographiques, accessibles grâce à de nombreuses « remasterisations ».

  • Par exemple, des enregistrements fabuleux avec le grand pianiste russe Sergei Rachmaninoff (1873-1943) : Sonates de Grieg, Schubert, et la 8e de Beethoven.
    Collector – Avis aux amateurs 
    ou avec le ténor irlandais John McCormack.
  • Et les « bis » :
    Les bis, ce sont ces pièces courtes que l’on joue à la fin d’un récital, des « miniatures », pièces tantôt virtuoses, tantôt lyriques.
    Parfois il s’agit d’arrangements ou de transcriptions de mélodies célèbres ou de pièces écrites pour d’autres instruments.
    Je vous en parlais déjà dans un article précédent sur les enregistrements des violonistes du passé !

    ⭐️ On pourrait dire qu’il s’agit de la pop de la musique classique
    mais attention, pour les jouer, il faut développer tout un art subtil, rechercher une forme d’élégance et de charme sonore pour rendre tous les détails avec une aisance qui doit faire sembler l’exécution absolument sans effort !
    Et en cela, Kreisler était un maître du genre !
  • Le canular Kreisler

 

Kreisler a d’ailleurs lui-même composé une quantité incroyable de ces pièces, toutes plus réussies les unes que les autres. Des bijoux !

Mais il les avait écrites pour les jouer à la fin de ses récitals et conquérir le coeur du public. A cette époque, il ne souhaitait toutefois pas paraitre présomptueux en faisant constamment figurer son nom au programme.
Alors il trouve un subterfuge qui resta un secret pendant longtemps. Il dit qu’il avait retrouvé dans un couvent du Sud de la France des vieux manuscrits et qu’il les avait légèrement arrangés.

En 1935, il avoue le canular. En fait, il s’agit de ses propres compositions, parfois des pastiches et des mélodies originales.

Certains critiques, vexés, lui en tiennent rigueur et dénigrent ces pièces – pourtant irrésistibles.
Elles seront d’ailleurs adoptées depuis par tous les violonistes !

 

 

Rien de tel que : Kreisler plays Kreisler !

 

  • Outre ce répertoire, Kreisler laisse des cadences merveilleuses pour certains concertos dont celle du Beethoven, très célèbre. Celle du Brahms est aussi sublime et j’adore particuliérement celle écrite pour le Concerto de Paganini, concerto dont il a écrit une version géniale réorchestrée avec des touches viennoises et des touches quasi hollywoodiennes. Un régal !
  • Il existe aussi une très belle pièce solo dédiée au grand violoniste belge Eugène Ysaye (1858-1931) – Récitativo & Scherzo-Caprice que j’adore jouer.
    C’était une époque où les grands violonistes, amis, composaient pour le violon et s’offraient des pièces entre eux. Ysaye lui dédiera sa 4e sonate.

https://www.youtube.com/embed/qhQV__lLxxw

Live Novembre 2019 à la Synagogue Copernic

P.-S. :

En Février 2020 sortira chez NomadMusic mon nouvel album en hommage à Fritz Kreisler – il est en cours de finalisation… 😉
💿 Stay tuned …

🎬

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Parlons-en en commentaires ! Je me réjouis de vous y retrouver ! ✍️

#35 – Le Duo Ferras-Barbizet 🎻🎹

#35 - Le Duo Ferras-Barbizet 🎻🎹

🗓🗓Le 28 Janvier à Marseille au Théâtre de La Criée je serai en récital avec le pianiste Abdel Rahman El Bacha.

Nous jouerons un récital hommage au grand duo formé par Christian Ferras et Pierre Barbizet.
🎶Au programme : Mozart, Franck et Beethoven

 

Pour plus d’infos : cliquez ici

 

Ce concert me tient particulièrement à coeur car j’ai eu la chance, toute gamine, de croiser Pierre Barbizet (1922-1990) dans les couloirs du conservatoire de Marseille. Il en était le Directeur.

 

Barbizet, originaire du Chili, était un homme charismatique, avec un humour incroyable.
Sa devise était de « tout prendre au sérieux, sauf soi-même ».

Je viens de retrouver cette archive vidéo que je voulais partager avec vous :

https://www.youtube.com/embed/WLyDCTj-FfM

 

Avec Christian Ferras (1933-1982), immense violoniste à la sonorité onctueuse, bouleversante, élève du grand violoniste et compositieur roumain Georges Enesco, il forma un duo magistral.

Il existe une archive vidéo collector très célèbre du Concerto de Sibelius avec Ferras et un tout jeune Zubin Mehta à la baguette. Cette version est renversante.

❗avec Ferras et un tout jeune Zubin Mehta à la baguette. Cette version est renversante.

Si vous ne la connaissez pas encore, à voir ABSOLUMENT ! (vous m’en direz des nouvelles !)
Et si vous la connaissez déjà, à revoir !!

https://www.youtube.com/embed/qYR9ychIPJc

 

Barbizet et Ferras se sont rencontrés lors du concours de Scheveningen en 1948.
Ferras, âgé de 14 ans remporte le 1er prix en violon, ex-aequo avec Michel Schwalbé, alors âgé dée 29 ans – le futur Konzertmeister du Philharmonique de Berlin dont je vous parlais dans l’épisode nr.5 migrations et exils de “Mon coeur est un violon” cet été sur France Musique.

 

 


Barbizet lui âgé de 26 ans remporte le 1er prix en piano et sympathise avec le jeune Christian Ferras.
Ils vont travailler en duo auprès d’Enesco.

Il existe des archives INA audio extraordinaires où Barbizet raconte comment Enesco les accueillait, à la fin de sa vie, tout courbé, extraordinaires où Barbizet raconte comment Enesco les accueillait, à la fin de sa vie, tout courbé, avec des pellicules sur les épaules !

 

Enesco à la fin de sa vie !

 

Il était toujours d’une grande courtoisie et d’humilité remarquable. La seule fois où Barbizet avait vu Enesco perdre un peu patience, c’était quand il n’avait pas assez fait entendre une ligne de basse dans sa main gauche de pianiste…
Enesco était un homme qui respirait la musique, qui était la musique…et qui a profondément inspiré tous les musiciens qui l’ont côtoyé.

Barbizet et Ferras formeront alors un duo célèbre qui durera jusqu’au suicide de Ferras en 1982…
Tragique lignée du violon francais au XXe siècle avec le décès prématuré de Ginette Neveu dans le crash du Constellation en 1949 suivi par le décès de Jacques Thibaud dans le crash du Mont Cimet en 1953…


Heureusement ils restent de merveilleuses traces discographiques : leur intégrale des sonates de Beethoven en 1958 chez EMI, mais également les sonates de Brahms, Debussy, Fauré, Franck.

Je vous avais déjà parlé notamment de la trop rarement jouée Sonate de Lekeu dans un article sur ledans un article sur le Duo violon-piano.

 

 

Ce duo avait pour habitude de jouer par coeur, tous les deux ce qui est assez rare.

 

Les voilà dans la sonate de Franck

https://www.youtube.com/embed/8wmTm_–d2Q

 

Ils apprenaient leurs parties mentalement durant leur déplacement en train, en tournée.

 

Lors de ce concert-hommage, Abdel Rahman El Bacha et moi-même reprendrons d’ailleurs cette tradition et jouerons par coeur.

 

Je vous en parlais déjà dans un article que je vous invite à relire sur la mémorisation.

 

 

De mon côte, en phase de travail intense aussi, je m’y replonge … AU BOULOT !

 

🎬

 

Likez, partagez et diffusez cet article s’il vous a plu et surtout venez discuter avec moi dans les commentaires !

Vous connaissiez ce Sibelius par Ferras ?

❤️🎻Retrouvez les huit épisodes de « Mon coeur est un violon »  en podcast sur le site de France Musique

👉 ici 

En repensant aux temps de mes études, je me suis rappelée avoir passé des jours et des nuits à écouter les grands violonistes du XXe siècle.
Jascha Heifetz, Mischa Elman, David Oistrakh, Nathan Milstein, Yehudi Menuhin, Isaac Stern, Christian Ferras, Ginette Neveu, bien sûr…

Des supports d’identification, des modèles...

…des figures qui permettent à un ou une jeune violoniste de – secrètement – se projeter, se rêver soliste dans les grandes pages concertantes par exemple.

 

Combien de fois ai-je pu écouter le Concerto de Sibelius par Heifetz ?
Il m’arrivait même de l’écouter en repassant. (Si, si !) Et  croyez-moi, j’en ai brûlé des chemises, tellement j’étais hypnotisée par l’incandescence de son jeu.

 

Outre les grandes œuvres du répertoire, il y avait aussi les albums fétiches, ceux qu’on écoute souvent voire un peu … beaucoup trop souvent.

 

Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre… 😅

 

C’était bien avant Youtube, les plateformes de streaming avec playlists sur Spotify, Deezer ou autres.

 

📼J’ai même écouté certaines œuvres exclusivement sur cassette ! (Notamment le Concerto de Korngold et la Sonate de Richard Strauss qu’un ami m’avait ainsi fait découvrir).
Et inéluctablement, je devais les rembobiner à l’aide d’un stylo bic… jusqu’à ce que la cassette rende l’âme.

Un CD fétiche

J’ai réussi à rayer un CD à force de trop l’écouter et de le transporter partout : c’était un album de Heifetz avec les « petites pièces », les  » bis  » –  ces pièces de genre que l’on joue à la fin d’un récital.

 

Un « doudou » discographique – on pourrait presque appeler cela de la musicothérapie !

 

Une succession de gourmandises violonistiques qui venaient m’apporter du baume au coeur dans une phase intense d’études bien solitaires à Vienne, où mon professeur exigeait de moi non 6-8 heures de travail quotidien mais 10 heures !

 

Je connaissais cet album si bien que je connaissais l’enchainement de chaque numéro par cœur. Je n’écoutais même plus réellement le disque, je le rêvais !
Dans l’intervalle entre les pièces je pressentais ce qui allait venir et je ressentais déjà les émotions qui m’attendaient.

 

Les enregistrements des grands violonistes, ce sont des madeleines pour moi : des objets autour desquels j’ai cristallisé des souvenirs de différentes époques.

Historique

Il faut dire qu’il existe des enregistrements culte, qui portent en eux une dimension historique.

 

Ces grands violonistes dont je vous parle, ce sont ceux du XXe siècle, époque de l’avènement de l’enregistrement, sur rouleau de cire puis par signaux électriques, les vinyles puis le CD …(je vous en reparlerai dans un prochain numéro)

 

Un âge d’or où les grands violonistes diffusaient leur art au plus grand nombre (la reproductibilité technique dont parle Walter Benjamin ) et laissaient ainsi une trace pour la postérité.


Postérité et personnalités

Auparavant, un grand violoniste restait dans l’histoire par des pièces qu’il composait ou arrangeait : Viotti, Kreutzer, Paganini, Wieniawski, Sarasate… 

 

Avec l’enregistrement, l’empreinte se fait par des traces discographiques à partir desquelles des générations ont nourri un imaginaire et ont construit leur idéal sonore.

 

A chaque grand violoniste, sa signature – un son unique que l’on identifie au bout de quelques secondes. Aucun doute, c’est bien le violoniste qui « fait » le son, de manière assez irrationnelle d’ailleurs.

Témoignages d’un autre temps

Ces disques des violonistes du passé, ce sont aussi des manières de percevoir un « Zeitgeist », un air du temps – par exemple, le charme inimitable de Jacques Thibaud ou de Fritz Kreisler.



Des documents précieux qui nous donnent des informations d’interprétation d’une époque. Comment jouait-t-on à l’époque de Saint-Saens, Fauré ou Debussy ? Quelle merveille de pouvoir entendre Thibaud avec Cortot jouer les grandes sonates francaises.
Comment résister à l’usage savoureux du portamento, cette manière de relier les sons si vocale. (On dit aussi des ports de voix.) 

Collaborations au sommet

Parmi ces enregistrements des grands violonistes, existent des collaborations extraordinaires :

Avec d'immenses pianistes

Par exemple les enregistrements de Fritz Kreisler avec Sergei Rachmaninoff ou de Jascha Heifetz avec Arthur Rubinstein, sans parler du  Million-dollar-trio Heifetz-Rubinstein-Piatigorski. 

Avec de grands chefs d’orchestre

Pour n’en citer qu’un, le concerto de Beethoven Heifetz/Toscanini…cela fait presque trembler d’imaginer la rencontre de ces deux géants.



Les techniques et des conditions d’enregistrement

Les techniques et les conditions d’enregistrement étaient bien différentes des conditions actuelles. 
Certes, quand on écoute ces disques de nos jours, il faut un temps d’adaptation, il faut s’habituer au frottement, aux imperfections sonores, un peu comme si on entendait un feu de bois crépiter.
Mais souvent les sonorités sont si émouvantes.

Et il est saisissant d’imaginer que ces enregistrements ont parfois été fait en très peu de prises.  
Lors d’une séance, il fallait faire preuve d’une intensité folle.

Ginette Neveu a enregistré son concerto de Sibelius (culte!) en une journée. C’était son seul jour libre au milieu d’une tournée en Angleterre. Elle finit le soir par le 2e mouvement, le cou en sang !

Chemins de vie et filiations

Je vous parlais de Ginette Neveu dont la trajectoire aussi fulgurante que tragique serre le coeur.

Souvent avec les grands violonistes du XXe siècle, se dessinent des chemins d’exils, où la petite et la grande histoire se rencontrent. 
Cela je le racontais déjà dans l’épisode 5 de l’émission « Mon coeur est un violon » : Migrations et exils violonistiques, où je suivais les lauréats du concours Wieniawski de 1935 (que Ginette Neveu avait brillamment gagné !).

D’autres violonistes comme Heifetz ou Milstein quittèrent la Russie qui devint soviétique. Fritz Kreisler eut aussi une trajectoire incroyable, de Vienne à New York en passant par Paris.  
L’intersection entre la petite et la grande histoire me fascine. Tout cela, je vous le raconterai dans un prochain numéro !

 

Filiations

Et avec ces migrations, ce sont des écoles du violon qui ont circulé, créant des lignées étonnantes. 

Saviez-vous que : 

  • le violoniste Eugène Ysaye avait dirigé et enseigné à Cincinnati ?
  • Wieniawski, Sarasate, Kreisler, Enesco et Carl Flesch étaient passés par le Conservatoire de Paris ? 
Migrations, exils, croisements : c’est ainsi qu’est faite l’histoire du violon et des violonistes.

De manière plus personnelle, mon professeur à Marseille Jean Ter Merguerian, qui m’initia le premier aux enregistrements des grands violonistes, avait étudié à Moscou avec Oistrakh et était « fan » d’Heifetz.

Plus tard, ma professeure Ana Chumachenco à Münich, argentine d’origine ukrainienne, avait, elle, étudié en Argentine avec Ljerko Spiller, un violoniste croate, formé à Paris auprès de Jacques Thibaud, puis une fois arrivée en Europe, elle avait été proche de Yehudi Menuhin et du hongrois Sandro Vegh…

Vertigineux !

Des nains sur les épaules de géants

Lors de mon passage au conservatoire de Paris, certains professeurs s’inquiétaient du fait que j’essaie d’imiter ces grands violonistes, à force de trop les écouter. 

 

Mais l’imitation est présente dans tant d’apprentissage (du yoga aux beaux-arts), c’est souvent une étape essentielle du développement.

 

Et au-delà de l’imitation ou d’un culte qui pourrait semblait trop nostalgique, il s’agit d’une inspiration si porteuse.

 

Un interprète (dont je vous parlais dans le numéro précédent) ne nait pas de nulle part. Il est le fruit d’une chaine de transmission et se fait passeur à son tour. Bien sûr, il trouve sa voie et sa voix … son unicité mais il ne faudrait pas oublier que, comme le dit la célèbre métaphore, si parfois nous arrivons à voir loin, c’est que :

 

« Nous sommes des nains sur les épaules de géants. » ❗

P.-S. : 

Projet de disque en cours de finalisation… Je vous en dis plus très bientôt ! 😉
💿 Stay tuned …

🎬 

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#34 – Les enregistrements des grands violonistes du passé

#34 - Les enregistrements des grands violonistes du passé
Une histoire de cassettes, de chemins de vie et de ...nains !

📻 Pendant l’été 2019, France Musique m’a confié la production d’une grande série d’été consacrée à la grande violoniste française Ginette Neveu (1919-1949) dont c’était le centième anniversaire de la naissance.
Une aventure passionnante !

❤️🎻Retrouvez les huit épisodes de « Mon coeur est un violon »  en podcast sur le site de France Musique

👉 ici 

En repensant aux temps de mes études, je me suis rappelée avoir passé des jours et des nuits à écouter les grands violonistes du XXe siècle.
Jascha Heifetz, Mischa Elman, David Oistrakh, Nathan Milstein, Yehudi Menuhin, Isaac Stern, Christian Ferras, Ginette Neveu, bien sûr…

Des supports d’identification, des modèles...

…des figures qui permettent à un ou une jeune violoniste de – secrètement – se projeter, se rêver soliste dans les grandes pages concertantes par exemple.

 

Combien de fois ai-je pu écouter le Concerto de Sibelius par Heifetz ?
Il m’arrivait même de l’écouter en repassant. (Si, si !) Et  croyez-moi, j’en ai brûlé des chemises, tellement j’étais hypnotisée par l’incandescence de son jeu.

 

Outre les grandes œuvres du répertoire, il y avait aussi les albums fétiches, ceux qu’on écoute souvent voire un peu … beaucoup trop souvent.

 

Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre… 😅

 

C’était bien avant Youtube, les plateformes de streaming avec playlists sur Spotify, Deezer ou autres.

 

📼J’ai même écouté certaines œuvres exclusivement sur cassette ! (Notamment le Concerto de Korngold et la Sonate de Richard Strauss qu’un ami m’avait ainsi fait découvrir).
Et inéluctablement, je devais les rembobiner à l’aide d’un stylo bic… jusqu’à ce que la cassette rende l’âme.

Un CD fétiche

J’ai réussi à rayer un CD à force de trop l’écouter et de le transporter partout : c’était un album de Heifetz avec les « petites pièces », les  » bis  » –  ces pièces de genre que l’on joue à la fin d’un récital.

 

Un « doudou » discographique – on pourrait presque appeler cela de la musicothérapie !

 

Une succession de gourmandises violonistiques qui venaient m’apporter du baume au coeur dans une phase intense d’études bien solitaires à Vienne, où mon professeur exigeait de moi non 6-8 heures de travail quotidien mais 10 heures !

 

Je connaissais cet album si bien que je connaissais l’enchainement de chaque numéro par cœur. Je n’écoutais même plus réellement le disque, je le rêvais !
Dans l’intervalle entre les pièces je pressentais ce qui allait venir et je ressentais déjà les émotions qui m’attendaient.

 

Les enregistrements des grands violonistes, ce sont des madeleines pour moi : des objets autour desquels j’ai cristallisé des souvenirs de différentes époques.

Historique

Il faut dire qu’il existe des enregistrements culte, qui portent en eux une dimension historique.

 

Ces grands violonistes dont je vous parle, ce sont ceux du XXe siècle, époque de l’avènement de l’enregistrement, sur rouleau de cire puis par signaux électriques, les vinyles puis le CD …(je vous en reparlerai dans un prochain numéro)

 

Un âge d’or où les grands violonistes diffusaient leur art au plus grand nombre (la reproductibilité technique dont parle Walter Benjamin ) et laissaient ainsi une trace pour la postérité.


Postérité et personnalités

Auparavant, un grand violoniste restait dans l’histoire par des pièces qu’il composait ou arrangeait : Viotti, Kreutzer, Paganini, Wieniawski, Sarasate… 

 

Avec l’enregistrement, l’empreinte se fait par des traces discographiques à partir desquelles des générations ont nourri un imaginaire et ont construit leur idéal sonore.

 

A chaque grand violoniste, sa signature – un son unique que l’on identifie au bout de quelques secondes. Aucun doute, c’est bien le violoniste qui « fait » le son, de manière assez irrationnelle d’ailleurs.

Témoignages d’un autre temps

Ces disques des violonistes du passé, ce sont aussi des manières de percevoir un « Zeitgeist », un air du temps – par exemple, le charme inimitable de Jacques Thibaud ou de Fritz Kreisler.



Des documents précieux qui nous donnent des informations d’interprétation d’une époque. Comment jouait-t-on à l’époque de Saint-Saens, Fauré ou Debussy ? Quelle merveille de pouvoir entendre Thibaud avec Cortot jouer les grandes sonates francaises.
Comment résister à l’usage savoureux du portamento, cette manière de relier les sons si vocale. (On dit aussi des ports de voix.) 

Collaborations au sommet

Parmi ces enregistrements des grands violonistes, existent des collaborations extraordinaires :

Avec d'immenses pianistes

Par exemple les enregistrements de Fritz Kreisler avec Sergei Rachmaninoff ou de Jascha Heifetz avec Arthur Rubinstein, sans parler du  Million-dollar-trio Heifetz-Rubinstein-Piatigorski. 

Avec de grands chefs d’orchestre

Pour n’en citer qu’un, le concerto de Beethoven Heifetz/Toscanini…cela fait presque trembler d’imaginer la rencontre de ces deux géants.



Les techniques et des conditions d’enregistrement

Les techniques et les conditions d’enregistrement étaient bien différentes des conditions actuelles. 
Certes, quand on écoute ces disques de nos jours, il faut un temps d’adaptation, il faut s’habituer au frottement, aux imperfections sonores, un peu comme si on entendait un feu de bois crépiter.
Mais souvent les sonorités sont si émouvantes.

Et il est saisissant d’imaginer que ces enregistrements ont parfois été fait en très peu de prises.  
Lors d’une séance, il fallait faire preuve d’une intensité folle.

Ginette Neveu a enregistré son concerto de Sibelius (culte!) en une journée. C’était son seul jour libre au milieu d’une tournée en Angleterre. Elle finit le soir par le 2e mouvement, le cou en sang !

Chemins de vie et filiations

Je vous parlais de Ginette Neveu dont la trajectoire aussi fulgurante que tragique serre le coeur.

Souvent avec les grands violonistes du XXe siècle, se dessinent des chemins d’exils, où la petite et la grande histoire se rencontrent. 
Cela je le racontais déjà dans l’épisode 5 de l’émission « Mon coeur est un violon » : Migrations et exils violonistiques, où je suivais les lauréats du concours Wieniawski de 1935 (que Ginette Neveu avait brillamment gagné !).

D’autres violonistes comme Heifetz ou Milstein quittèrent la Russie qui devint soviétique. Fritz Kreisler eut aussi une trajectoire incroyable, de Vienne à New York en passant par Paris.  
L’intersection entre la petite et la grande histoire me fascine. Tout cela, je vous le raconterai dans un prochain numéro !

 

Filiations

Et avec ces migrations, ce sont des écoles du violon qui ont circulé, créant des lignées étonnantes. 

Saviez-vous que : 

  • le violoniste Eugène Ysaye avait dirigé et enseigné à Cincinnati ?
  • Wieniawski, Sarasate, Kreisler, Enesco et Carl Flesch étaient passés par le Conservatoire de Paris ? 
Migrations, exils, croisements : c’est ainsi qu’est faite l’histoire du violon et des violonistes.

De manière plus personnelle, mon professeur à Marseille Jean Ter Merguerian, qui m’initia le premier aux enregistrements des grands violonistes, avait étudié à Moscou avec Oistrakh et était « fan » d’Heifetz.

Plus tard, ma professeure Ana Chumachenco à Münich, argentine d’origine ukrainienne, avait, elle, étudié en Argentine avec Ljerko Spiller, un violoniste croate, formé à Paris auprès de Jacques Thibaud, puis une fois arrivée en Europe, elle avait été proche de Yehudi Menuhin et du hongrois Sandro Vegh…

Vertigineux !

Des nains sur les épaules de géants

Lors de mon passage au conservatoire de Paris, certains professeurs s’inquiétaient du fait que j’essaie d’imiter ces grands violonistes, à force de trop les écouter. 

 

Mais l’imitation est présente dans tant d’apprentissage (du yoga aux beaux-arts), c’est souvent une étape essentielle du développement.

 

Et au-delà de l’imitation ou d’un culte qui pourrait semblait trop nostalgique, il s’agit d’une inspiration si porteuse.

 

Un interprète (dont je vous parlais dans le numéro précédent) ne nait pas de nulle part. Il est le fruit d’une chaine de transmission et se fait passeur à son tour. Bien sûr, il trouve sa voie et sa voix … son unicité mais il ne faudrait pas oublier que, comme le dit la célèbre métaphore, si parfois nous arrivons à voir loin, c’est que :

 

« Nous sommes des nains sur les épaules de géants. » ❗

P.-S. : 

Projet de disque en cours de finalisation… Je vous en dis plus très bientôt ! 😉
💿 Stay tuned …

🎬 

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#33 – Qu’est-ce qu’un interprète ?

#33 - Qu'est-ce qu'un interprète ?

🗓 Dimanche prochain le 24 Novembre à 18h je serai à la Synagogue Copernic, Paris 16e pour donner un récital en solo.
 
Il s’agit d’un programme que j’ai intitulé VIOLON+.
Toutes les infos sont => ici 

En préparant ce programme, en « revisitant » ces oeuvres de JS Bach, Paganini, Ysaye qui m’accompagnent depuis plusieurs années (certaines depuis plus de vingt ans !), je me suis prise à méditer sur le rôle de l’interprète.

Une question qui m'occupe depuis longtemps...

J’ai retrouvé un texte que j’avais commencé à écrire il y a plusieurs années déjà.


C’était pour le livre “Eléments d’esthétique musicale”, un collectif dirigé par Christian Accaoui, mon professeur d’Esthétique au CNSM de Paris. Dans le recueil, se trouve mon article sur “l’oeuvre ouverte” mais celui sur l’interprétation est resté à l’état d’esquisse.

 

Je souhaite le partager avec vous aujourd’hui.

Ecrire sur l’interprétation...✍️

“ Ecrire sur l’interprétation lorsqu’on est soi-même interprète, c’est tout d’abord faire un état des lieux, un bilan d’étape d’une réflexion dynamique, autrement dit qui ne cesse d’évoluer.

C’est ensuite s’essayer à un exercice de style auquel de nombreux artistes – non des moindres – se sont illustrés : de la tentative de définition du rôle de l’interprète – cet acteur aussi indispensable que décrié de la chaîne de transmission musicale, entre compositeur et auditoire – à la véritable profession de foi, déclaration d’intentions…

Je me propose ici d’envisager l‘interprétation comme un acte, une action, un savoir-faire qui plutôt que de se définir (au sens de restreindre : dé/finir), se déclinerait (à l’infini). 

Interpréter, c’est savoir lire un texte 🤓

Tout d’abord interpréter, c’est savoir lire un texte, déchiffrer voire décrypter un langage de signes, signes qui n’ont cessé d’évoluer au cours du temps et à travers lesquels les compositeurs tentent de donner leurs indications voire de « légiférer ».

 

le “texte, rien que le texte” versus la “lecture-sens”

Certes se pose la question de la notation musicale par définition limitante et celle de l’objet du texte musical, la partition.

Mais avant tout faut il savoir si ce texte représente la finalité de l’interprète ou plutôt le point de départ de sa lecture.
Aux défenseurs du « texte, rien que le texte », s’opposent les défenseurs d’une lecture-sens.

Le but de l’interprète est de comprendre le texte, l’appréhender, en prendre possession, l’ingérer, puis le digérer, l’assimiler, avant d’arriver à le « rendre », l’exprimer, l’exécuter.

Pour cela il faut embrasser l’œuvre (dans sa globalité: sa structure, son déroulement, son contexte …), pouvoir « rêver » la pièce, mais aussi tel un archéologue tenter d’y déceler, y dénicher voire déterrer les trésors qui gisent au fond de ces signes.

Travail minutieux, artisanal, digital, accompagné d’une perpétuelle remise en question entre intellect, intuition et sensibilité, confrontation de traditions interprétatives et recherche de sources

Interpréter, c’est savoir transmettre 🎶

Une fois ce travail d’analyse (voire d’auto-analyse) accompli – ou plutôt arrivé à un terme provisoire, il s’agira de présenter l’œuvre, de la communiquer au reste du monde…



Car interpréter, c’est savoir et vouloir transmettre. Ce n’est pas seulement cette recherche très intime de compréhension, obscure, profonde qui cristallise du sens à l’insu du monde, dans l’obscurité de la salle de répétition ou de bibliothèque et au croisement des couches de conscience les plus enfouies de l’interprète.

C’est aussi ce geste triomphant de portée à la lumière, cette révélation (dévoilement), cette transmission.

Interpréter, c’est agir en médiateur, assurer la communication entre le compositeur et les auditeurs, littéralement « accoucher » de l’œuvre « conçue » par le compositeur, dans un geste de re-création.

De la lecture intérieure à la lecture “à voix haute”

En effet, d’un point de vue chronologique, si le compositeur couche sur le papier ce qu’il entend intérieurement et donne forme à ce qui jaillit dans sa psyché, l’interprète traverse deux phases essentielles face à la partition: l’élaboration d’une lecture intérieure – travail d’empathie avec le geste compositionnel, véritable vision parfois, qui suivra un processus mystérieux de maturation puis la production d’une lecture « à voix haute », qui appelle au partage.

La maitrise de l’instrument

L’interprète a la « mission » de faire du lien, d’être « l’instrument » … Or pour assurer cette médiation, il se doit de posséder son instrument, le maîtriser pour de ne pas être intercepté – comble du comble ! – par son médium. Il est donc à la croisée des chemins.

Interpréter, c’est trouver sa liberté dans un cadre 🎼

Face à l‘infini des possibles interprétatifs, l’interprète trouve sa liberté restreinte par des instances « légiférantes » en amont (le compositeur) et en aval (la sentence du public).

Alors interpréter, est-ce un acte de soumission absolue, d’humilité ou de liberté ? Une position intermédiaire serait de dire qu’ interpréter, c’est savoir se libérer dans un cadre.

Chemins d’interprétation 🗺

Entre "idéal" et historicité de l'interprète et des interprétations :

D’une part, il y aurait une interprétation « idéale » (celle contenue potentiellement dans la partition voire dans la psyché du compositeur donc non incarnée, non informée). Interprétation virtuelle vers laquelle l’interprète tend de manière asymptotique.

D’autre part, il faut prendre acte de l’évolutivité de l’interprète et du contexte dans lequel il s’exécute (éditions, essais) et donc de sa représentation de l’interprétation idéale: ce sont les frontières de son historicité, il est (malgré lui) fils de son temps.
Par exemple avec la redécouverte et l’étude approfondie des traités et essais de l’époque baroque, c’est tout un imaginaire sonore et un champ de possibles interprétatifs qui s’est ouvert à des générations d’interprètes. Ceci entraînant – de fait – une mutation de la représentation de l’interprétation « idéale ».

Entre répétition, innovation et renouvellement

Face à cette interprétation idéale, c’est la problématique de la répétition, du semblable, du déjà-dit, du déjà-fait. A chaque fois qu’il « reprend » une œuvre, l’interprète essaie d’y apporter une vue nouvelle, il affronte alors la peur bleue du tarissement de la source d’inspiration, une lecture qui perd sa fraîcheur, qui s’use et devient « rabâchage ».

La patience de l’interprète

Comme résoudre ces équations d’irréconciliables ?

C’est par la patience, par l’opiniâtreté voire par une certaine obstination. 
C’est le retour aux sources sans prendre le raccourci des traditions qui fait surgir à chaque nouvelle étude un angle nouveau, non encore révélé. Car il s’agit de refaire à chaque fois le chemin de l’obscurité vers la lumière pour re-créer, re-lire la pièce, soulever la pierre comme pour la première fois.
Il faut imaginer Sisyphe heureux…

Mais dans cet effort pour re-lire, re-comprendre l’œuvre, l’interprète voit son niveau de conscience évoluer et se voit grandir dans sa perception de l’œuvre.

Humilité et cohérence

Une des libérations de l’interprète vient par l’acceptation de l’impossible perfection de l’incarnation dans l’ici et maintenant du concert.
C’est en fait l’ « humanité » de l’acte interprétatif qui sauve l’interprète, assure sa rédemption (aux yeux du compositeur et du public) et lui préserve un espace de liberté. Interpréter devient alors un acte d’humilité, il s’agit de proposer une vérité parmi un champ de possibles à un moment donné.

Une autre solution provient de la quête de cohérence. La capacité à intégrer diverses influences ou données dans une forme cohérente construit un « possible », donne un sens, une signification, une fin même provisoire…

Interprète : traducteur ?

C’est une vraie tension que ce rôle d’inter-médiaire. Une position parfois même intenable qui oscille entre « trop » et « pas assez ». Car l’équilibre est fragile entre une fidélité (voulue) totale au texte et la révélation d’une personnalité qui fait que l’interprète laisse une empreinte sur l’œuvre qu’il exécute.

C’est en cela un peu semblable à la position d’un auteur-traducteur . Lorsque Jacottet traduit Musil, qui lit-on ? Jacottet ou Musil ? (comme le dit Umberto Eco dans son essai sur la traduction : Dire presque la même chose ). L’histoire des interprètes et des interprétations oscille d’ailleurs invariablement entre des ères d’interprètes qualifiés de « trop » visibles (audibles!) et des ères d’interprètes « au service » quitte à s’effacer

En effet entre un interprète « opaque » c’est à dire qui ferait écran à l’œuvre (cauchemar du compositeur) et un interprète qui se ferait littéralement « transparent » (cauchemar du public ?), existerait-il un interprète « translucide »?

Celui qui mettrait au service de l’œuvre sa lucidité tout en s’assurant d’informer la lumière qu’il diffuse ? Au-delà de la translucidité, il y aurait une étape ultérieure voire ultime: ce serait, ce que j’appelle, l’interprète-vitrail.

La métaphore du vitrail ⭐️

Ma proposition, je l’appellerai la métaphore du vitrail.

En effet, le vitrail permet originellement la médiation de la lumière divine aux mortels, lumière qui ne peut être reçue directement par l’oeil humain (thématique récurrente par exemple dans la mythologie grecque, Sémélé brûlée vive à la vue de la lumière de Zeus). Le vitrail est donc nécessaire.

Lorsque la lumière le traverse – lorsque l’interprète est traversé par l’oeuvre, il diffuse certes la lumière originelle mais premièrement la guide, lui confère une forme et il se ré-vèle lui-même.
A noter qu’on ne peut admirer les détails du vitrail que lorsqu’il est traversé ! L’interprète serait donc à la fois celui qui révèle et celui qui est révélé par cette traversée…

L’empreinte serait alors réciproque : l’interprète laisserait une empreinte sur l’oeuvre mais l’oeuvre continuerait d’agir sur l’interprète dont elle mettrait en lumière des facettes jusqu’alors non vues. Il y aurait donc dévoilement mutuel, un double accouchement : de l’oeuvre par l’interprète et de l’interprète par l’oeuvre !

Interpréter, ce serait alors savoir révéler et se laisser révéler.

🎬 

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© Marco Borggreve

Seule en scène 24 Novembre à Paris !

Le Dimanche 24 Novembre à 18h je donnerai un récital VIOLON+ à la Synagogue ULIF – COPERNIC. Le programme sera construit autour de J.S. Bach et de l’écriture pour violon seul en passant par Paganini, Ysaye et Kreisler.

En plus de jouer, je vous guiderai à travers ce parcours musical que j’ai élaboré pour vous faire « entendre » des choses – des choses que vous percevez sans doute déjà sans forcément en avoir conscience ou des choses qui, mises dans un certain ordre, se révèlent. 😊

Je serai bien sûr heureuse de vous y voir !
A bientôt ?

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#32 – Le violon français

#32 - Le violon français
Une histoire de charme, de vibrato et de ...nounours 🐻

Me voici de retour de Chine où je donnais un programme 100% musique française.
J’ai envie de vous parler de musique française et de violon français car le fait de jouer ce répertoire à l’étranger me donne toujours l’occasion de réfléchir sur ce qui est spécifiquement français dans une musique et dans une manière de jouer.

Le violon français 🎻🇫🇷

C’est d’ailleurs souvent “en creux” que l’on percoit ses spécificités.
J’aime d’ailleurs dire que c’est en Asie que j’ai ressenti ce qu’être Européenne voulait dire, de même c’est en Allemagne que j’ai ressenti ce qu’être Francais(e) signifiait.

C’est d’ailleurs une question qui me fascine. A une époque où l’on dit souvent que le monde musical est globalisé, que tout se partage sur internet, Youtube etc…et donc qu’il n’y a plus d’ “écoles nationales”, il semble pourtant que des différences, des “colorations” de jeu subsistent, des dimensions difficilement exprimables par des mots ou des concepts.

Il y aurait bien sûr des explications assez rationnelles, “objectives”, des typologies à établir, des lignées de professeurs, des tendances dans certaines institutions (par exemple, le type de répertoire joué par les élèves au Conservatoire de Paris versus dans les Hochschule allemandes). Mais sans doute, aussi, des héritages plus inconscients, des sensibilités diffuses.
Vaste sujet que je développerai sans doute plus longuement dans un prochain article !

Ecoles nationales ?

Outre le fait que ma tournée en Chine était soutenue par l’Institut français de Chine, j’ai eu la sensation d’être un peu “ambassadrice du violon français ”, en jouant ces pages de Saint-Saens, Chausson, impression de porter un “savoir-faire”, une manière de jouer qui, même si j’ai eu de nombreux professeurs de nationalités diverses, était ancrée dans une tradition de violon français.

D’ailleurs cet été lors de mon aventure radiophonique avec la merveilleuse Ginette Neveu (1919-1949), j’ai eu l’occasion de consacrer un épisode à cette question. C’est un épisode pour lequel j’ai fait beaucoup de recherches et que j’avais intitulé de manière un peu péremptoire “Paris 1900 – capitale du violon”.

 

 

En effet, il m’est apparu que le Conservatoire de Paris et Paris en général était un lieu incontournable au XIXe et au début du XXe siècle pour les violonistes du monde entier.
Si on remonte dans l’histoire, au XIXe siècle et au début du XXe, il y a une importante école allemande autour de Joseph Joachim, le grand violoniste, ami de Brahms. Il y a des professeurs hongrois fameux. Mais l’école qui semble produire une flopée de virtuoses tous plus impressionnants et séduisants les uns que les autes, celle qui domine c’est l’école franco-belge.

Chemins et migrations

J’ai adoré écrire cet épisode car bien sûr, cela m’a fait réfléchir sur mon propre cheminement : de Marseille en passant par le conservatoire de Paris, puis de Vienne à Münich, de Berlin à Budapest.

 

Ce qui m’a aussi frappée, ce sont les chemins qui se croisent. Par exemple en préparant l’émission, j’ai réalisé qu’Ana Chumachenco, ma professeur à Münich, argentine d’origine ukrainienne avait été formée auprès de Ljerko Spiller, un grand professeur, figure majeure de la musique en Argentine. Spiller était croate et avait fini ses études à Paris dans les années 20, à l’Ecole Normale auprès de Jacques Thibaud ! (Ecole Normale dont on fête d’ailleurs le centenaire de la création cette année! ). Donc l’école franco-belge a sacrément circulé !

💡Autrement dit, je suis allée étudier en Allemagne auprès d’une professeur argentine qui avait étudié elle-même avec un professeur croate qui avait étudié à Paris !
Vertigineux, non ?😱
Incroyable “boucle” de transmission.

Cela je l’ai d’ailleurs évoqué à la fin de l’épisode 5 sur les exils et migrations.
Je trouve ces coïncidences bouleversantes et il me semble justement que ces croisements viennent révéler que les frontières sont beaucoup plus artificielles que la réalité des échanges liés aux migrations humaines.

Le Conservatoire de Paris

Revenons à l’école française et à l’importance du Conservatoire de Paris.

 

Lors de mes études, notamment de musique ancienne à la UdK de Berlin, j’ai beaucoup travaillé sur les premiers professeurs de violon du Conservatoire de Paris. C’est une période intense où on essaie de classifier les choses, d’organiser les grands principes pour fonder une école justement. Les fondateurs sont issus de l’école italienne portée par Viotti : Baillot, Kreutzer, Rode. Ils écrivent d’ailleurs ensemble une “Méthode de violon” publié en 1802 qui fixe les axes essentiels de la pédagogie du violon.

Et ces grands virtuoses ont un grand impact sur leur temps. Ils composent de nombreux concertos de violon par exemple (des dizaines chacun !). Et ils impressionnent les compositeurs de leur époque, notamment Beethoven qui écrit par exemple sa 10e sonate pour Rode. Dans la correspondance de Beethoven, on trouve même que Rode suggère même au compositeur allemand que le finale de la sonate soit plutôt “calme”. La sonate à Kreutzer laisse à penser que Kreutzer en est le dédicataire, or il n’en est rien. Il s’agit d’une dédicace trompeuse puisque cette 9e sonate était en fait dédiée à un jeune prodige George Bridgetower.

 

Mais l’impact de Kreutzer et des autres virtuoses français se fait fortement sentir sur le Concerto de violon. On y retrouve tous les types d’écriture que développent ces violonistes et qu’ils ont systématiquement compilés dans leurs célèbres cahiers d’études (aussi géniaux que fastidieux pour les élèves !).

 

 

Et d’ailleurs la coloration française, révolutionnaire du Concerto éclate au grand jour quand on écoute la cadence que Beethoven a écrite pour la version piano et orchestre de ce concerto.

https://www.youtube.com/embed/Wrqunl3LmlE

 

Dans la longue cadence (qui commence à la minute 18’20 ici), surgit une marche…qui ressemble fort à la Marseillaise et la timbale dialogue avec le soliste!
(19’27!). Il existe d’ailleurs une transcription de cette cadence pour le violon.

Bref !

Une lignée impressionnante

Après ce moment essentiel de fondation, le Conservatoire de Paris voit défiler, tout au long du XIXe, une incroyable lignée de violonistes. Notamment dans les classes des professeurs Lambert Massart puis Marsick (qui finit sa carrière par une histoire un peu piteuse…sur laquelle je jette un voile pudique 😉)
Les élèves ne sont autres que Henri Wieniawski, Pablo de Sarasate, Fritz Kreisler, Carl Flesch, Georges Enesco, Jacques Thibaud …
Une liste hallucinante !

Et parmi les grands représentants de l’école franco-belge, au XXe siècle, il y en a un dont j’aimerais vous parler aujourd’hui. En effet, la semaine dernière comme je jouais le 3e concerto de Saint-Saens, par curiosité, je recherchais les meilleurs enregistrements de cette œuvre. Et bien sûr, j’ai remis la main sur la version-culte de ce concerto par Zino Francescatti sous la direction de Mitropoulos avec le New York Philharmonic. !

Zino Francescatti, un violoniste solaire

Francescatti était d’origine italienne, il est né à Marseille !
Ses débuts à Paris ne furent pas simples, il était contraint de “cachetonner” comme violon solo dans plusieurs orchestres parisiens. Il existe de nombreuses histoires savoureuses à ce sujet d’ailleurs.
Mais sa carrière décolla d’un coup, notamment aux Etats-Unis.
Il joua et enregistra par exemple avec Eugene Ormandy et Philhadelphie, avec Bruno Walter (Beethoven), avec Leonard Bernstein et le New-York Phil (le Sibelius ) !!

On a souvent salué sa sonorité gorgée de soleil, avec un vibrato lumineux et une virtuosité à toute épreuve.

Alors, cette semaine, je vous propose de l’écouter dans ces bijoux du répertoire français, pour justement mettre du soleil dans notre ciel automnal !

💿Saint-Saens Concerto Nr.3

💿Poème de Chausson

💿Sonates de Franck & Debussy avec le pianiste Robert Casadesus (1899-1972), avec lequel il formait un duo exceptionnel ! Cela vient compléter ma liste précédente avec Jacques Thibaud /Alfred Cortot et Christian Ferras / Pierre Barbizet.

https://www.youtube.com/embed/TeydTqQdQ8M

 

Pour l’anecdote, je dois avouer que je ne peux pas être indifférente au jeu de Francescatti, car outre le fait qu’il soit né à Marseille 😉, j’ai eu la chance de le rencontrer quand j’étais toute petite.
Et je m’en souviens étonnamment bien ! Il y avait d’ailleurs eu à Marseille en 1989 (si,si !) un concours Zino Francescatti qu’avaient remportés ex-aequo Laurent Korcia (qui avait joué la Symphonie Espagnole de Lalo) et Erez Ofer, violoniste israelien (qui avait joué le Concerto de Brahms) ! La finale avec orchestre s’était déroulée à l’Opéra et Francescatti était présent.

J’avais déjà eu l’occasion de le rencontrer un peu avant car une de mes professeurs avec laquelle j’ai travaillé quand j’avais quatre/cinq ans était une de ses anciennes élèves, Aurélia Spadaro. Parmi ses élèves aussi, une certaine Amandine Beyer !

 

Regardez plutôt !

 

 

Alors, vous reconnaissez des personnes sur cette photo ? 😉
#nounours

 

🎬

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Violon francais en Chine M. Chiche : Wuhan

Violon francais en Chine

En Octobre, j’étais à Wuhan pour jouer un programme de musique francaise sur l’invitation de l’Orchestre Philharmonique de Wuhan et avec le soutien de l’Institut Francais de Chine.
Au programme :
Poème de Chausson,
Introduction et Rondo Capriccioso de Saint-Saens et
3e Concerto de Saint-Saens

C’était dans la merveilleuse salle, Qintao Concert Hall.

#31 – Jouer en prison

#31 - Jouer en prison
Ou une histoire de petit pont, de Feng Shui et de...magie ⛩⻛⽔✨

En Juin dernier, j’ai eu la chance d’aller jouer au Centre pénitentiaire de Fresnes. Oui, chance car cela faisait des années que je souhaitais jouer dans une prison.

Non-lieu

Je vous avais déjà raconté mes expériences “hors des salles de concerts” dans un article précédent, notamment dans un centre psycho-gériatrique. Cela avait été très fort émotionnellement.
Et depuis j’ai l’intime conviction que dans des lieux inattendus, parfois même des “non-lieux” au sens anthropologique du terme, la musique a quelque chose à dire d’important, qu’elle peut se déployer d’une manière essentielle.

 

Ainsi, par un hasard de rencontre, cela est devenu possible ! J’ai exprimé ce désir et je me suis donc retrouvée à visiter Fresnes une première fois pour mettre en place un projet.

Première visite à Fresnes

Je m’en souviens comme si c’était hier. Une froide journée de Janvier… Le trajet en RER vers la banlieue Sud de Paris, le bus, et l’arrivée sur le site. Dès le début, ce sont d’autres règles qui s’appliquent dans ce lieu.
Il faut bien sûr montrer des papiers d’accréditation obtenus longtemps à l’avance.
Il faut déposer son téléphone portable à l’entrée…si on arrive à trouver un casier de libre. Bref ! Tout de suite, c’est une sensation étrange de dépossession de son identité et de restriction de libertés, un avant-goût d’aliénation. Un peu similaire (même si fondamentalement incomparable) aux aéroports – je vous racontais les casse-têtes chinois des voyages des musiciens !

 

 

Et puis, il y a eu la découverte du lieu, très impressionnant, saisissant. Fresnes est un bâtiment historique qui inspire des sentiments ambivalents. Le bâtiment fut construit à la fin du XIXe siècle. Une des choses remarquables est le corridor central autour duquel rayonnent trois divisions

 

Juste avant ma visite, je me suis replongée dans le livre de Michel Foucault “Surveiller et punir, Naissance de la prison”.

 

Ambiance sonore et temporalité

La première chose qui m’a frappée est l’ambiance sonore. Les plafonds sont extrêmement hauts et pour communiquer les surveillants hurlent d’un endroit à l’autre, cela produit un bruit indescriptible qui rend littéralement fou.

 

Ensuite, c’est un lieu où règne une autre temporalité: une temporalité distendue. C’est une succession de moments d’attente. Tout peut être mis “en pause” à n’importe quel moment – par exemple, si il y a un déplacement de détenus, tout est bloqué. A chaque porte verrouillée, il faut attendre.
Un grand exercice de patience.

 

Ma première visite avait pour objectif de repérer les lieux où jouer, et de mettre en place un projet adapté qui pourrait faire sens.

 

Plutôt qu’une intervention unique, j’ai préféré proposer une série rapprochée de trois ateliers, dont deux pour un groupe d’une dizaine de détenus (adapté au lieu choisi et disponible) et le dernier sous forme de concert ouvert à un public plus large.

Les peurs et autres démons

En Juin, j’y suis donc retournée.

 

La veille du premier atelier, j’ai été soudainement traversée par plein d’émotions contradictoires. Est-ce que ce projet avait du sens ? Comment allaient-ils recevoir “ma” musique classique, qu’ils n’écoutent sans doute pas? Est-ce que cela leur plairait ? Comment est-ce que cela allait se passer ? Être une jeune femme au milieu d’un groupe d’ hommes dans un milieu carcéral me semblait pour le moins intimidant.
Il y avait pas mal de peur, peur de l’inconnu…être hors de sa zone de confort (!) et surtout ne pas savoir à quoi s’attendre.
Je me suis mise à douter de la pertinence de mon projet mais au fond, je savais que j’avais toujours voulu le faire, que j’avais l’intuition que dans ce type d’expériences résidait une énergie toute particulière.

 

Heureusement les responsables du service culturel ont été très sympathiques et accueillantes à nouveau et m’ont rassurée.

 

Une d’elles est venue avec moi pour le premier atelier, m’expliquant quand même où se trouvait le bouton rouge sur lequel appuyer en cas de problème … 😱

Des moments de franche rigolade

Une fois que les détenus sont arrivés (une bande de douze gaillards faisant le double de ma taille), très vite, l’ambiance s’est avérée détendue et sympathique. J’ai commencé par jouer un peu de Bach. Tout de suite, les réactions ont été positives. Plusieurs ont dit trouver cela apaisant.
Je me suis mise à raconter des choses sur le violon. Par exemple comment produire un son, les “modes de jeu” comme on dit. Puis j’ai expliqué quelques éléments de lutherie : à quoi servait le chevalet et en leur expliquant cela, j’ai appelé le chevalet – le “petit pont”.
En précisant bien sûr que je ne parlais pas de football cette fois-ci.
On a bien ri !


Non, je ne peux pas m’empêcher avec mes comparaisons foot-violon. Vous le savez…

 

 

Sinon, il y avait d’autres questions : est-ce que la marque dans mon cou de violoniste me faisait mal. L’autre chose qui les intéressait beaucoup était… le prix d’un violon ! J’avoue que j’étais un peu inquiète en voyant leurs yeux briller 😉

Nettoyage énergétique par le son ?

La deuxième fois j’étais seule cette fois avec les détenus. J’ai même sacrément dû attendre avant qu’ils n’arrivent. Du coup, j’ai joué longtemps toute seule dans cet espace appelé la fosse. Et j’ai ressenti que le fait de jouer du Bach apaisait les lieux, comme si les vibrations sonores venaient purifier cet endroit si perturbé.

J’ai depuis toujours adoré le Feng-Shui, cet art chinois de l’harmonisation des énergies des lieux. Feng, veut dire “vent” et Shui “eau”. Il existe plusieurs théories assez complexes par rapport à la combinaison des différents éléments (bois,eau, terre, métal,feu) et surtout sur la , cet art chinois de l’harmonisation des énergies des lieux. Feng, veut dire “vent” et Shui “eau”. Il existe plusieurs théories assez complexes par rapport à la combinaison des différents éléments (bois,eau, terre, métal,feu) et surtout sur la circulation du Qi (énergie).
Sans rentrer dans des choses ésotériques, j’ai toujours trouvé qu’il y avait (dans des applications simples!) une forme de bon sens, autrement dit que chacun de nous pouvait ressentir la différence d’énergie en se rendant sensible à certains paramètres.
Avec les vibrations sonores, n’y aurait-il pas aussi quelque chose qui viendrait agir sur l’énergie d’un lieu?

“C’est magique, cette musique !”

Quand les détenus sont finalement arrivés, on a repris là où on en était restés. Certains m’ont raconté avoir été apaisés par la séance précédente. Ils avaient mieux dormi la nuit . Et ils se souvenaient du “petit pont”…et du prix du violon !

Comme nous avions moins de temps, j’ai décidé de leur parler peu. Je leur ai donné quelques éléments sur la Chaconne de Bach et surtout je leur ai dit de se laisser traverser, de ne pas chercher à comprendre, de fermer les yeux s’ils voulaient ou même de s’allonger parterre (il y avait des matelas de sport) – de se laisser aller loin pendant les quinze minutes de l’oeuvre.
Et cela a été incroyable.

 

L’écoute a été si intense. Je les ai sentis présents émotionnellement autour de moi.
Et quand j’ai fini de jouer la dernière note, la résonance a été longue et belle.
Ils avaient un visage transformé (moi aussi – sans doute !)

 

Un des gars les plus sur la réserve la dernière fois était particulièrement touché et il m’a dit : “C’est magique, cette musique !”

Utopie

Alors, oui, il y a une dimension d’utopie dans ce type de projet. Et comme me le disait de manière assez terre-à-terre un ami, « On n’est pas chez les bisounours ».

 

Certes…et mon propos n’est d’ailleurs pas sur les prisons, sur leurs fonctionnements ou dysfonctionnements. D’ailleurs il me semble que chaque citoyen devrait un jour faire une visite de prison, juste pour avoir vu, senti, compris…

 

Ce que je sais, c’est que par cette expérience, un moment de trêve a eu lieu. Dans un échange non verbal, il y a eu une forme de communion.

 

Finalement, la musique a permis de créer du silence, de l’écoute dans des lieux hurlants, bruyants à rendre fou. Elle a permis de créer une connexion, d’oublier l’espace d’un moment nos différences et de partager un état commun de contemplation, de réceptivité face à une œuvre sublime.

Public idéal

Cela a représenté une expérience inoubliable pour moi, car loin des codes de la salle de concerts, j’étais dans une vraie gratuité, il n’y avait pas d’autre enjeu que de partager quelque chose, en toute simplicité et toute vulnérabilité.

Tout l’été j’ai repensé à ces ateliers à Fresnes et j’ai été portée intérieurement par la résonance de ces moments privilégiés. A chaque concert, je les ai transportés avec moi mentalement. Je me disais que c’était eux, mon public. Un public idéal.

 

Vous vous souvenez peut-être de cette citation de Walter Benjamin dont je vous parlais déjà dans l’article “La musique classique en procès”. Il ne s’agit pas de remèdes mais il s’agit de nourritures spirituelles.

 

Et là, nous étions dans un échange humain, qui rappelle que la culture, ce n’est pas de la consommation – c’est un partage.

 

Alors, oui. Parfois, on trouve des ponts (et pas seulement des petits).😉 Et une fois que l’écoute et l’ouverture de coeur sont là, la magie opère.
Orphée avec sa lyre qui apaise et endort notre Cerbère intérieur…c’est cela que la musique classique peut produire…
Juste nous rappeler que nous sommes tous des êtres humains.

 

J’ai hâte de la prochaine fois !

 

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