Pour prolonger la résonance de la thématique, voici un texte que j’ai été amenée à écrire sur le sujet à la suite de ma série d’été consacrée à Ginette Neveu.
A l’été 2019, France Musique me confie la réalisation d’une série documentaire de huit épisodes autour de la violoniste Ginette Neveu (1919-1949) dont on célèbre le centième anniversaire de la naissance. Le lien d’identification est fort, Ginette Neveu a été une de mes icônes du violon depuis l’enfance aux côtés de Jascha Heifetz, David Oistrakh, Nathan Milstein, Christian Ferras.
En explorant les archives, très vite la thématique des femmes et du violon s’impose et prend une proportion inattendue.
Tout d’abord, je remarque que la presse de l’époque, pour qualifier le jeu de Ginette Neveu, parle souvent de puissance et de virilité : « Ginette Neveu joue comme un homme ».
En 2020 cela interpelle.
Actuellement, en haut de la scène du violon, les femmes sont largement représentées, que ce soit avec Janine Jansen, Lisa Batiashvili, Anne-Sophie Mutter ou Julia Fischer.
Je prends alors conscience qu’être une femme violoniste soliste n’a pas toujours été chose évidente et que la qualité d’une femme-soliste a longtemps été mesurée à l’aune masculine.
En repensant à la période de mes études, je réalise aussi que Ginette Neveu a été mon seul support d’identification au féminin.
J’interroge alors la représentation des femmes dans l’histoire :
Mais où sont les femmes dans l’histoire des grands violonistes ?
Je me mets en quête des pionnières du violon.
Apparait alors une farandole de femmes, des artistes ayant joué un rôle essentiel : par exemple
- l’américaine Maud Powell (1867-1920) ou
- la hongroise Jelly d’Aranyi (1893-1966), qui inspire Maurice Ravel pour son Tzigane et Bela Bartok pour ses sonates.
Jelly d’Aranyi
📻Pour entendre ces femmes :
Episode « Les femmes et le violon » de la série « Mon coeur est un violon » à la ré-écoute sur www.francemusique.fr : ici
En poursuivant la réflexion jusqu’à la période contemporaine, je me rends compte que la figure de la femme violoniste a évolué au cours du XXe siècle, notamment après-guerre, avec l’apparition de l’industrie du disque.
Sur les couvertures, la femme violoniste devient une image importante de marketing, un objet de fantasmes.
Entre vestale et sex-symbol (pin-up), entre la pureté désincarnée de la jeune femme consacrée à son art et la charge érotique de la femme fatale en robe-bustier au top de la mode, la femme violoniste incarne des aspects ambivalents voire contradictoires.
S’agit-il d’une construction qui souscrit aux codes induits par un , entre la pureté désincarnée de la jeune femme consacrée à son art et la charge érotique de la femme fatale en robe-bustier au top de la mode, la femme violoniste incarne des aspects ambivalents voire contradictoires.
S’agit-il d’une construction qui souscrit aux codes induits par un male gaze (regard masculin) ou bien, au contraire, de l’expression d’une puissance au féminin ?
D’autre part, dans ces carrières des femmes solistes, des schémas récurrents apparaissent, en particulier dans la relation de la soliste avec un mentor chef d’orchestre qui joue un rôle de Pygmalion.
Que nous dit l’archétype de la femme-violoniste sur la représentation actuelle des femmes en général et de leur place dans la société ?
A une époque de l’empowerment au féminin qui voit qui voit émerger des cheffes d’orchestre et à l’ère post #MeToo, comment ce paradigme va-t-il continuer d’évoluer ?
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Affaire à suivre, bien sûr, pour un sujet fort, qui mérite réflexion et nuances dans son traitement !
Et vous, qu’en pensez-vous ?