#15 - Merci, la Radio !📻
une histoire de transistor, de voix et de moustache 📻🎤
Cette semaine de Noel, j’ai envie de vous parler de quelque chose de personnel. En fait, j’ai envie de faire une déclaration. Et cette déclaration, c’est à la Radio que je veux l’adresser.
Il y a dix jours, j’ai eu le plaisir de participer à l’émission « Génération France Musique » animée par Clément Rochefort. Et je me suis dit comme à chaque fois que je mets les pieds dans une émission de radio, à quel point j’adore l’expérience de la radio : des échanges avec les attachés de production à la collaboration avec les équipes techniques, les réalisateurs, les producteurs, du moment de la « balance » au moment du direct, de l’interview ou de l’enregistrement.
C’est une expérience bien particulière et qui résonne pour moi toujours avec un goût d’enfance.
Car la radio est une présence absolument constante dans ma vie, et ce depuis aussi loin que je me souvienne.
Et je lui dois beaucoup !
Le foyer, c'est se regrouper autour d'un... transistor 📻
Pour moi ce qui anime un foyer, ce n’est pas un feu de cheminée, ce qui serait le sens littéral, assez improbable à Marseille…
Mais c’est le transistor.
L’amour de la radio, cela vient de mon père qui l’écoutait constamment en travaillant à l’écriture d’articles médicaux.
A la maison, les chaînes préprogrammées :
France Inter,
France Info,
France Musique,
France Culture,
Radio Classique,
RTL,
Europe 1 (et si !)
Et lorsqu’il rentrait du travail, bien tard le soir, impossible d’y couper. Le transistor était sur la table de la cuisine. Nous écoutions le bulletin d’info sur France Inter.
***Ré ré do do ré… sol la ré***
Vous savez ces génériques…vraies Madeleines de Proust.
Quelle puissance de l’ancrage dans la mémoire.
Si c’était hors du créneau de 22h30, c’était sur France Info qui avait déjà résonné maintes fois dans la journée.
La radio rythme la vie, structure le temps et vous fait découvrir le monde.
A chaque époque de vie, ses chaînes et ses émissions.
Radio et musique... sur la même longueur d'ondes
Il faut dire que la radio et la musique ont tant en commun.
La transmission passe par les ondes, par le canal auditif. C’est l’art de l’évocation, de l’imaginaire. A la différence de la télévision, la radio laisse librement imaginer, elle n’impose pas… même si sa puissance est infinie.
En effet, historiquement elle a vite constitué un instrument de propagande très utilisé pour ses capacités presque hypnotiques. J’en parlerai forcément dans mon cours à Sciences-Po Musique et Politiques au XXe siècle ce semestre. « Music & Politics at the age of the extremes” (1914-1953). J’y reviendrai.
La création de la RTF est d’ailleurs liée à l’expérience de la BBC que fit le Général de Gaulle en 1940.
La mission de l’ORTF (Juin 1964), c’est : « satisfaire les besoins d’information, de culture et de distraction du public ».
La radio, une « fenêtre sur le monde »🗺
Il est vrai que par des émissions diverses, c’est le monde que la radio fait entrer, à domicile : information, distraction et éducation comme autant d’introduction ou d’exposition aux sciences, à l’histoire, à la politique, aux voyages, aux sports, à la littérature, au cinéma, aux arts, à la musique…
Une éducation musicale 🎶
Pour moi, ce fut bien sûr une grande partie de mon éducation musicale.
Habitant en province et n’étant pas d’une famille de musiciens, la radio a joué un rôle essentiel. Mes parents achetaient des disques chez un disquaire (oui, je vous parle d’un temps lointain !) mais c’est la radio qui m’a permis de rentrer en contact avec tant de choses.
– Par exemple, enfant, j’ai été très marquée par une série d’émissions réalisées par Jean-Michel Molkhou sur les écoles de violon. Ma mère les avait enregistrées religieusement sur des K7. Et nous les écoutions l’été lors de stages de violon. L’école russe, puis l’école soviétique, l’école franco-belge, l’école israélo-américaine…
Une mine d’or de documents d’archives et d’interviews avec des violonistes-concertistes qui racontaient maintes anecdotes de leurs rencontres avec les « Grands ».
Un trésor radiophonique qui m’a « contaminée » et ouverte à une forme de filiation. Une conscience que les savoirs sur le violon sont hérités et transmis de génération en génération.
– Plus tard, lors de mes études d’analyse et d’histoire de la musique au CNSMDP, je n’ai cessé d’écouter France Musique et Radio Classique, en essayant souvent de deviner compositeurs, style des œuvres diffusées à toute heure du jour et de la nuit.
– Sur les ondes j’ ai aussi entendu pour la première fois des œuvres et des versions importantes. Je pense parmi mille choses au concerto de Berg « A la mémoire d’un ange » dans la version de Josef Suk qui fût un moment de révélation pour moi.
– Je me souviens aussi avoir été saisie au milieu de la nuit par la diffusion du trio op.70 nr.2 de Beethoven par le trio magique Stern/Istomin/Rose.
Imaginez…
dans un moment d’insomnie vers 4 heures du matin, vous appuyez sur la télécommande et vous entendez pour la première fois de votre vie ce mouvement.
Vous entendez cet univers emprunt d’une mélancolie particulière, presque schubertien en fait… « Sehnsucht » allemand où le bonheur rêvé et la mélancolie sont si proches. Comment résister à la tonalité très « mouillée » de Lab Majeur ?
On se demande si au travers d’un sourire on ne devine pas des larmes dans les yeux. Un peu comme ce que Bruno Walter disait à ses musiciens à propos de Mozart. « Il faut que cela soit si gai, si gai, que l’on ait envie de fondre en larmes. »
Voilà les rencontres musicales que la Radio peut provoquer.
Les grandes voix, figures imaginaires sans visage
Au-delà de la musique, ce sont aussi des personnes…enfin plutôt des voix.
J’ai toujours été particulièrement touchées par la puissance évocatrice de certaines voix, par la capacité à faire voir, à faire visualiser, à suggérer.
Il n’y a parfois qu’un pas avec l’hypnose.
Et cette familiarité incomparable. Voix que l’on n’oublie pas, par exemple, celle des Matinales de Stéphane Paoli sur Inter ou celles des billets de Thierry Beauvert sur France Musique.
Et derrière ces voix, présences familières, quasi quotidiennes, enfant, je n’ai jamais songé à imaginer des visages.
Plus tard, j’ai eu beaucoup d’émotions à rencontrer certaines des personnes dont je connaissais si bien la voix.
Quelle drôle de manière de « connaître » quelqu’un. Comme des amis, des gens avec lesquels on pense partager tant mais…dont on ne connait pas leur visage.
Par exemple, j’ai été très touchée de rencontrer la journaliste Marie-Eve Malouines récemment.
Adolescente, passionnée de politique et d’histoire, j’étais constamment scotchée à France Info. J’écoutais toutes ses chroniques politiques.
Je pourrais parler aussi de l’ami Frédéric Lodéon, merveilleux musicien et homme de radio adoré, avec lequel j’ai eu la chance de faire de nombreuses émissions mais aussi de faire mes débuts aux Flâneries musicales de Reims dans le Concerto de Mendelssohn.
Les commentateurs de foot ⚽️
Et puis, si je vous parle des voix de la radio… impossible de ne pas parler des commentateurs sportifs.
Cela peut sembler paradoxal, suivre le football à la radio ?
Et bien, rien de tel pour vibrer !
D’ailleurs les soirées de multiplex de ligue 1 en France où – soyons honnêtes ! – il ne se passe pas toujours grand chose… sont toujours excitantes sur les ondes. Dur après de regarder certains matchs où le rythme n’est pas au rendez-vous ! 😅
Je me dois de citer deux immenses commentateurs sportifs :
Jacques Vendroux sur France Inter/Info que j’ai d’ailleurs rencontré lors d’une émission Carte blanche sur France Musique. Voix incontournable du paysage radiophonique français !
Et bien sûr, l’unique et l’irremplaçable Eugène Saccomano.
C’est un commentateur qui m’a quand même fait changer de radio lors de son passage d’Europe 1 sur RTL. On en a « refait » des matchs… Ceux qui l’écoutaient savent de quoi je parle.
Sacco m’a fait rêver et m’a tenu compagnie toute ma scolarité au CNSMDP et bien après.
Sa voix parcourait à peu près tous les registres en une seconde et ses hurlements étaient à faire pâlir les meilleurs commentateurs brésiliens qui lancent d’interminables « Goooooooooooooal ! »
Je me souviens d’un match OM-Monaco où le footballeur de l’OM Titi Camara marque et Sacco hurle pendant presqu’une minute et demi : Titi Titi CAMARA Titi Titi CAMARA
« Il l’a miiiiiiiiiiiis ! »
Ecoutez ca, pour le plaisir, je vous assure :
https://www.youtube.com/watch?v=kx_zmf0emRU
Les conversations au coin du feu : solitudes partagées et compagnie
« Tenir compagnie » car si vous écoutez la radio, vous n’êtes jamais vraiment seul.
La radio arrive à créer du lien, on a l’impression qu’on ne s’adresse qu’à nous.
Rien de tel que des entretiens radiophoniques pour avoir l’impression de rentrer dans l’intimité d’une personnalité. Que de confidences se font derrière un micro ! Comme si l’absence d’image amenait à un lâcher prise, à des moments de sincérité.
Et puis, la radio a ceci de magique qu’elle laisse l’espace pour un dialogue intérieur. Une parole provoque une réflexion, vous décrochez… vous argumentez intérieurement…puis vous revenez. Un peu comme la lecture silencieuse d’un livre. L’imaginaire y est libre.
Certes vous pouvez être captivé et « scotché », vous buvez les paroles.
Mais vous pouvez aussi faire du « multi-tasking ».
Dans un environnement sonore rassurant, quel stimulant incroyable pour travailler !
Un peu comme si le flux de la radio occupant une partie de votre cerveau, cela libérait le mental.
Combien de dissertations ai-je pu écrire accompagnée par la radio !
Qu’en disent les neurosciences ?! Je vous en parlais dans les articles #7 #8 et #9 sur la mémorisation.
J’ai même pendant une courte période travaillé certains « passages » de violon en écoutant des matchs, pour développer des automatismes.
Pas toujours très recommandable mais…
Pas si étonnant, en fait.
On raconte que le pianiste Glenn Gould avait réussi à « débloquer » un passage d’une fugue de Bach en travaillant pendant que sa femme de ménage passait l’aspirateur.
Les rendez-vous réguliers, rythme de vie et formation continue
Outre « On refait le match », les « Matinales », les « flash infos », on peut s’y créer d’autres rendez-vous réguliers. Par exemple, il me suffit d’entendre le générique du Masque et la plume pour que je me sente « à la maison un Dimanche soir » , quel que soit l’endroit de la planète ou l’heure réelle où je l’écoute. Il s’agit d’ailleurs de la Fileuse de Mendelssohn interprétée par Christian Ivaldi, un de mes professeurs de musique de chambre au CNSMDP!
Et puis, c’est quand même l’émission idéale pour pitcher un film que vous n’avez pas encore vu. Attention aux spoilers toutefois ! Les intervenants arrivent rarement à se retenir de raconter la fin ! 😱😆
Il y a aussi les chroniques qui rendent accro, quelles soient géopolitiques (vous vous souvenez forcément de la voix de Bernard Guetta) ou humoristiques.
Et pour parler de démocratisation, il y a aussi des émissions magistrales sur France Culture ou autres – que ce soit en philosophie, histoire de l’art, neurosciences, en jazz ou gastronomie !
A l’écoute de la radio, on peut se faire une jolie formation à la carte.
Et maintenant avec la révolution numérique, on a presque tout à disposition avec les podcasts, les replays !
Certes, cela apporte d’autres changements comme le fait de filmer les studios de radio. Dommage ?
En tout cas, je peux vous dire que la moustache de Clément Rochefort vaut le détour.
Venez donc au théâtre de l’Alliance pour les directs le Samedi après-midi de 16h à 18h. Vous ne le regretterez pas.
Et bientôt, la moustache de Clément fera pâlir le footballeur marseillais Adil Rami !
Sur les ondes
Comme musicienne, la Radio m’accompagne depuis longtemps.
J’ai d’ailleurs fait mes débuts avec orchestre suite aux Tournois du Royaume de la Musique.
Ce concours fondé par Mme Raynaud-Zurflüh. Des enregistrements en public étaient faits dans les écoles et conservatoires de musique des villes de France. Tous les jeunes musiciens pouvaient s’y inscrire. Les lauréats recevaient un beau diplôme et ceux de la dernière catégorie montaient à Paris pour jouer avec l’orchestre de la Garde Républicaine.
J’y ai donc joué en 1997 la Havanaise de Saint-Saens sous la direction du Colonel Boulanger au Studio 104. Pièce que j’ai d’ailleurs enregistrée en live avec la même formation et le même chef dix ans après !
La Radio, c’est aussi la diffusion de concerts. La présence des micros rend le concert encore plus périlleux. Paradoxe d’être dans l’instant, dans l’éphémère du concert mais de savoir que tout est capté, gravé à jamais !
Je me souviens être tétanisée avant d’entrer sur scène pour ma première fois dans le concerto de Tchaikovsky avec l’orchestre de Picardie. Le concert était enregistré par France Musique. Quel stress avant de jouer et pourtant, quelle joie de diffuser auprès d’un public plus large et d’avoir une telle trace d’archive après !
Récemment le concert aux Invalides sur Radio Classique.
Et puis, ce sont des émissions en direct magiques parfois. Après la sortie de mon premier disque Brahms chez Intrada, j’ai participé de nombreuses fois au Mardi idéal d’Arièle Butaux et aux émissions de Frédéric Lodéon.
A chaque fois, c’est l’occasion de belles rencontres, entre musiciens et artistes invités. Samedi dernier cela n’a pas échappé à la règle.
Et quelle joie de retrouver les équipes du son et du plateau !
J’ai adoré aussi les Matins des musiciens menés par Jean-Pierre Derrien, où nous ouvrions les portes de nos « ateliers », nous partagions nos analyses, nos associations d’idées autour de la partition que nous illustrions musicalement.
Avec Jean-Pierre, nous avons parcouru le Concerto de Tchaikovsky, le Concerto de Sibelius, la sonate de Strauss, la 3e sonate de Grieg, la 3e sonate de Beethoven ou la sonate de Debussy
Et aussi, des moments de confidences et de franche rigolade lors d’interview
par exemple avec Lionel Esparza, Boris Berezovsky et Nathalie Stutzmann:
https://www.francemusique.fr/emissions/le-magazine/boris-berezovsky-nathalie-stutzmann-et-marina-chiche-26979
ou avec Thierry Beauvert – On y entend Jacques Vendroux ! https://www.francemusique.fr/emissions/au-diable-beauvert/marina-chiche-2717
J’ai aussi eu la joie immense de faire des chroniques foot-musique sur France Musique. C’était lors de la Matinale d’été avec Stéphane Grant. Le mondial 2006 se refermait de manière douloureuse, Coup de boule de Zizou…
J’y montrais des parallèles plus ou moins inattendus entre foot et musique. Par exemple, les supporters qui se répondent de part et d’autre du stade…comme dans le Vaisseau fantôme de Wagner.
La Do Ré
Vous l’aurez compris, j’adore la Radio !
Alors, l’amour de la radio peut sembler anachronique à l’heure du numérique. Mais je reste profondément convaincue que ce médium conserve toute sa puissance. Il peut propager de belles choses, des savoirs multiples et reste un outil puissant de démocratisation (dont je vous parlais la semaine dernière !)
On dit enfant de la télé….
et bien, moi, je suis une fille de la radio !
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