📻 Ravie de partager avec vous le podcast enregistré pour le site Classicagenda avec l’excellent Frederic Hutman !
🎻🎹 Nous parlons du blog (!!), de mes complices de musique de chambre, de mes professeurs, de mon violon, de mon répertoire favori, de l’App NomadPlay !
Bref ! De plein de choses en une petite demi-heure.
🍵🍷Prenez donc une tasse de thé ou un verre de vin rouge dans votre salon et rejoignez nous en cliquant ici !
Par chance j’avais encore un filet de voix Lundi quand on a enregistré (même si je toussais déjà !) 😶#extinctiondevoix
Likez et partagez si cela vous a plu !
Hâte d’avoir vos retours en commentaires !
#11 - Carnets de voyage (1ère partie)
ou une histoire de « soft-power », d’empreinte carbone et de… bas de contention ! ✈️😱
Cette semaine j’aimerais commencer à vous parler des voyages en tant que musicien.
Encore une fois, je prends la balle au bond.
Récemment dans un après-concert, un membre du public me disait à quel point cela devait être merveilleux de constamment voyager, de prendre l’avion et de parcourir le monde.
J’ai bien sûr acquiescé car j’adore voyager et je me considère comme une globetrotteur très chanceuse.
J’ai eu la chance d’aller jouer :
en Russie
en Ukraine, avant la guerre (périple mémorable en train de nuit),
aux Etats-Unis (de la Floride à l’extrême Ouest de l’Oregon)
en Angleterre (de Londres et Leicester en passant par la sublime lumière de la Cornouailles)
en Allemagne (où j’ai aussi vécu pendant sept ans)
en Belgique
au Danemark
au Pays-Bas
en Suisse
en Autriche
en Hongrie
en Italie
en Espagne
en Grèce
en Pologne
en Suède
au Luxembourg
à Monaco
en Slovaquie
en République tchèque
en Roumanie
en Macédoine
au Mexique
au Japon
en Chine
à Taiwan
en Corée du Sud
au Maroc
en Israël
à Cuba
en Estonie
en Lettonie
en Turquie
en Albanie
Mais au fond de moi, j’ai aussi ri jaune en pensant au réveil hyper matinal qui m’attendait le lendemain, au fait qu’il fallait que je fasse encore ma valise et que je n’en pouvais plus de passer les contrôles de sécurité…
Vous savez… enlever ses chaussures, remettre ses chaussures défaire sa ceinture, remettre sa ceinture, se rendre compte qu’on a oublié de mettre son shampoing ou son parfum hors de prix de 125 mL dans la valise enregistrée en soute…(oui, 100 mL c’est la limite !)
Toutes ces réjouissances auxquelles on ne peut pas couper.
Alors, une fois rentrée à l’hôtel, j’ai commencé à m’interroger sur les voyages chez les musiciens classiques de manière plus générale.
Et j’ai vu s’ouvrir un sujet bien vaste…
MUSICIEN – PROFESSION MOBILE !
Il est vrai qu’on associe souvent le musicien classique au voyage.
Dans l’histoire de la musique, nombreux sont les compositeurs qui ont sillonné différents pays (Haendel, Mozart, Liszt, Saint-Saens, Stravinsky, Rachmaninoff). C’est d’ailleurs cette année la thématique choisie pour la Folle Journée de Nantes.
Pour les interprètes, si je caricature, dans l’imaginaire collectif, c’est :
soit une vision romantique du Wanderer (instrument en bandoulière sillonnant le monde et les salles de concert)
soit une vision …Bling bling de vie de jetset – vols en business systématiquement ou, pardon! – en jet privé.
Bon…
il est vrai que ça peut arriver. 😎😉 Parfois… Mais scoop ! à part pour quelques collègues-stars, je pense pouvoir affirmer que ce n’est pas vraiment la norme 😉 La réalité est toute autre. Au risque de décevoir certains voire d’en décourager d’autres !
Voyage, tourisme... ou autre chose ?
L’expérience du voyage que fait le musicien classique professionnel de nos jours est pour le moins étonnante…voire problématique.
Étonnante car peut on parler de voyage quand le temps du séjour et du déplacement sont incroyablement courts ?
Il m’est arrivé de faire un aller-retour de 24 heures en Géorgie. Juste le temps de faire un récital dans la magnifique salle du Conservatoire de Tbilissi.
Certes, j’ai obtenu un tampon de la Géorgie sur mon passeport et je garde un souvenir incroyablement intense de ce court séjour.
Mmm, la gastronomie géorgienne, sauce aux noix … et une histoire rocambolesque dans ma chambre d’hôtel avec coupure de courant juste avant d’aller me coucher 😱
Mais est-ce voyager ? Le ratio temps passé à l’aéroport, temps de vol et temps sur place fait pâlir.
Evidemment il fut un temps où les musiciens pouvaient apprendre un concerto pendant un voyage transatlantique en bateau. 🛥
C’est ce que racontait le violoniste argentin Alberto Lysy.
Il apprit ainsi sur le bateau qui le menait d’Argentine en Europe le Concerto de Dvorak qu’il joua à son arrivée à la finale du Concours de la Reine Elisabeth de Belgique.
Si ce n’est pas vraiment du voyage, ce n’est pas non plus du tourisme.
En effet on associe la notion d’agrément au tourisme. On voyagerait « pour le plaisir ».
Certes, on peut avoir beaucoup de plaisir à voyager en tant que musicien
C’est mon cas , j’adore particulièrement aller au Japon ! 🇯🇵
Pour autant, il est rare d’avoir le temps sur place de visiter, on est en « mission ».
Situation mixte… on pourrait dire que les musiciens sont « en déplacement » quand ils ne jouent pas « à domicile » – comme au football !
Et c’est vrai qu’il est assez rare de jouer à domicile, surtout quand on habite une grande capitale européenne.
Précision : Ce dont je vous parle aujourd’hui, c’est le voyage en solo. Celui du soliste et du chambriste qui rejoint un festival. Avec la touche de solitude qui va avec.
Je ne parle pas des orchestres qui eux, quand ils jouent à l’extérieur, voyagent en groupe et se déplacent souvent dans le cadre de tournées – cas intéressant et là encore problématique, comme je le disais déjà plus haut. Parlons-en d’ailleurs…
Question écologique et empreinte carbone
Problématique car la question écologique qui se pose à tous les niveaux de la société ne peut pas épargner notre profession.
Qu’en est il de l’empreinte carbone des musiciens ?
Il serait fascinant d’obtenir des statistiques sur les migrations annuelles en avion de la population « musiciens classiques ». ou effrayant ?
Réflexion qui m’occupe en tout cas et dont je vous reparlerai dans un prochain article.
Revenons à nos... avions ! ✈️
Ce dont j’aimerais vous parler justement, ce sont des aspects liés aux voyages en avion.
Entre situations de traitement privilégié parfois et casse-tête chinois avec problèmes administratifs récurrents, c’est un parcours semé d’embûches ou de surprises qui nous attend. Et l’aventure parfois kafkaïenne commence bien avant le moment de mettre les pieds à l’aéroport.
Car rien ne sert d’aller à l’aéroport sans visa.
LE VISA, SÉSAME ET CONSCIENCE GÉOPOLITIQUE
Souvent l’obtention du visa est prise en charge ou du moins, facilitée par les organisateurs. Pourtant il arrive d’être confronté à des situations ubuesques. En tant que musicien, on pense être « transnational », au-delà de certaines problématiques.
Mais… tout cela peut devenir étonnamment géopolitique.
Laissez moi vous raconter !
Lorsque j’habitais à Taiwan
(oui, j’ai enseigné pendant une année comme guest professor à la TNUA à Taipei)
j’ai été invitée à jouer en Chine pour deux concerts différents, dont un au Great Wall Academy & Festival.
Il me fallait donc un visa à deux entrées.
Mais comment faire ? Il n’y a pas d’ambassade de Chine à Taiwan puisque la Chine ne reconnait pas Taiwan !
Etrange constat quand on est de nationalité française.
D’ailleurs savez vous localiser Taiwan sur une carte ? 😉
Solution : envoyer mon passeport à Hong-Kong pour faire la demande de visa là-bas.
Mais à ce moment précis, pour des raisons inexpliquées ou plutôt confidentielles – sans doute, des transactions tendues entre la France et la Chine, il y avait un blocage des visas pour les ressortissants français. Ils n’étaient attribués qu’au compte-goutte et de manière assez aléatoire. Il a donc fallu envoyer mon passeport aux Etats-Unis !
Fascinant comme ce genre de situation actualise et rend très concrète des situations géopolitiques qui peuvent parfois paraître si lointaines ou abstraites.
De même, j’ai dû renoncer à une tournée en Syrie organisée par les alliances françaises car le mois précédent j’avais joué en Israël et il y avait donc un tampon israélien sur mon passeport.
Inutile de vous dire que je l’ai amèrement regrettée, cette tournée – qui m’aurait permis d’avoir un aperçu de la Syrie avant la guerre.
Musique et « SOFT-POWER » : diplomatie culturelle
Au fond il n’est pas si absurde que le musicien ne soit pas au-delà de réalités politiques. Car la musique est souvent investie par le politique comme vitrine, comme terrain de diplomatie culturelle. On parle d’ailleurs de « soft-power ».
Récemment, j’ai été invitée à me produire à Bakou, Azerbaïdjan lors de la visite du ministre des affaires étrangères Mr Le Drian, pour donner un récital franco-azéri avec un pianiste d’Azerbaïdjan.
Nous avons joué un programme mixte avec des pièces de Debussy, Saint-Saens et Garayev.
Si les musiciens de différents pays peuvent jouer ensemble, c’est donc que la coopération entre les pays fonctionne, que le dialogue est possible.
Idée à la base du projet du West-Eastern Divan Orchestre de Daniel Barenboim.
A titre plus individuel, comment ne pas se sentir européen quand on pratique au quotidien la libre-circulation dans les espaces de Schengen ? Comment ne pas exprimer de l’inquiétude face au Brexit ?
Bref ! Assez de politique !
Revenons à nos... valises 👝
Imaginons que le visa ait été obtenu. Je vous ai déjà parlé dans un article précédent de la réservation des billets, de mes compétences d’agence de voyages et de mon horreur pour la valise – même si je dois avouer que les valises à quatre roues ont changé ma vie !
Certains artistes arrivent à développer des stratégies très efficaces. (je n’en fais pas partie !)
Le violoncelliste Rostropovitch avait parait-il toujours plusieurs valises de prêtes chez lui. Lorsqu’il rentrait de tournée, Il n’avait qu’à transférer ses affaires de toilette et il était prêt à repartir.
Check-list
Ne pas oublier son passeport, ID …
Bien réfléchir à ce que l’on met dans son bagage à main :
bien calibrer les quantités de produits liquides
prendre ses partitions du concert pour travailler mentalement et aussi au cas où le bagage enregistré en soute serait perdu ! 😱
Pour la même raison, si possible, prendre avec soi une paire de chaussures de concert et/ou la tenue de concert
Pour les vols long-courrier, mettre ses bas de contention pour éviter les phlébites ou thromboses veineuses ! Si si, vous savez une phlébite, c’est quand un caillot de sang se forme dans une veine dans les membres inférieurs suite à une immobilisation prolongée.
Mon père cardiologue m’a d’ailleurs bassinée avec cela depuis mes 18 ans. Et croyez-moi, hors de question pour moi d’en mettre à l’époque ! Quelle horreur !
Bon… il en existe de nettement moins repoussants maintenant ( je vous assure !) et surtout c’est vraiment essentiel pour les vols de plus de 4 heures 🤓😉
avoir un bon réveil, non, plutôt deux pour partir à temps car allez savoir pourquoi, les piles lâchent justement les fois où il faut prendre des vols à des heures horribles. (véridique!)
EN ROUTE VERS L’AÉROPORT
Imaginons qu’on arrive à temps à l’aéroport… On peut toujours rêver
pas de grève, pas de valise abandonnée dans le RER, pas d’accidents sur le périph’ qui provoquent des bouchons interminables si on a eu la mauvaise idée de prendre un taxi …
Et là, c’est le début d’une série d’épreuves … qui feraient pâlir Hercule !
Je vous retrouve la semaine prochaine pour la suite – du passage du contrôle de sécurité au boarding, des bagages perdus au passage en douane !
ACCROCHEZ VOS CEINTURES !
*** SPOILER ***
j’ai hâte de partager avec vous mon histoire la plus drôle d’accueil à l’aéroport. Je peux déjà vous dire que c’était à l’aéroport d’Istanbul ! Un indice : gastronomie turque…
🎬
Partagez et diffusez cet article s’il vous a plu et surtout venez discuter avec moi dans les commentaires !
Cette semaine, je vous fais partager un entretien que j’ai fait avec Anthony Ndika, l’auteur du Blog de Andika où nous parlons de réseaux sociaux. Je me suis dit que ce serait une jolie mise en abîme pour le 10e numéro de la série.
L’arroseur arrosée, la musicienne-blogueuse bloguée ?
Anthony – le blog de Andika
Anthony a un parcours assez génial et atypique. Juriste de formation, c’est un mélomane passionné et pianiste amateur assidu.
Vous le trouvez en commentaires où j’essaie de l’inciter à essayer les méthodes Pomodoro et autres objectifs SMART. 🤓
Sa passion pour la musique et son activité de blogueur l’ont même amené à prendre part à la Tribune des critiques de France Musique. Et comble du comble, il travaille maintenant aux services juridiques de la chaîne de radio !
La raison pour laquelle il a démarré son blog est une histoire peu banale.
Anthony a commencé par faire des chroniques de films dans son adolescence sur des sites comme allociné. Puis le déclic d’écrire des chroniques sur sa vie culturelle lui est venu après un concert à Londres où il s’est endormi pendant la deuxième partie.
Pourtant au programme il y avait la 5e symphonie de Chostakovitch !
Quand il a réécouté l’œuvre au disque quelques jours après, il a été tellement choqué d’avoir pu fermer l’œil durant une œuvre si impressionnante qu’ il a décidé qu’on ne l’y reprendrait plus.
A partir de maintenant, il chroniquerait chacun des concerts auxquels il assisterait. Ainsi, impossible de dormir !
J’ai rencontré Anthony en bas des bureaux de France Musique près de la Maison de la Radio. J’étais en train de parler avec un ami quand dans le Hall, près des machines à café quelqu’un jouait sur le piano. C’était Anthony.
On a tout de suite sympathisé et quand il a commencé à me parler de son activité de blogueur, évidemment on s’est mis à parler blog ! D’autant que je venais à peine de commencer ma série d’articles.
Anthony m’a proposé de faire une interview autour de ma relation aux réseaux sociaux en tant que musicienne pro.
Du coup, on s’est retrouvé avec Anthony autour d’un verre en face du Palais de Justice. On a taillé une bavette (enfin moi, métaphoriquement et littéralement, j’étais morte de faim !). 🍴
Et on a parlé de notre terrain de jeu commun en lien avec la musique.
Entre deux bavards, on a eu des choses à se raconter.
Dans cet entretien, je partage mon cheminement et mes débats intérieurs avec les réseaux sociaux. Ces questions, ce sont d’ailleurs celles que se posent pas mal de musiciens de ma génération, chacun essayant de trouver un positionnement qui lui corresponde.
En ce qui me concerne, c’est une évolution dont j’ai été la première surprise. De quelque chose qui n’était vraiment pas naturel, c’est devenu une grande source de plaisir et de partage qui s’inscrit comme une extension de mon désir de transmission sur la musique.
#9 - Mémoriser une partition 10 méthodes pratiques pour mémoriser efficacement
+ 1 Joker !
ou une histoire de lego, de sieste et de… tomate🤖 😴 🍅
Cette semaine, comme promis, je vous propose une sélection personnelle des méthodes que je trouve le plus efficace pour apprendre par coeur.
Previously on … « a musician’s brain »
Dans les deux articles précédents, nous avions exploré plusieurs principes, comme l’utilité d’identifier son type de mémoire dominant, de développer les autres (visuel, auditif, moteur…) pour les combiner et de travailler à des niveaux aussi bien « hyper-conscients » qu’ inconscients.
Cette sélection de méthodes et d’astuces que je vous propose est le fruit de mon expérience de concertiste et de professeur de violon.
Certaines vont vous sembler simples voire évidentes. Pour autant, il ne faudra pas les sous-estimer. Un peu comme des remèdes de grand-mère, elles sont d’une efficacité redoutable ; ce qui les rend incontournables.
D’autres sont des propositions peut-être plus… inattendues. Je vous invite à les tester pour élaborer votre propre cocktail final !
Souvent on est tenté d’aller vite, de vouloir court-circuiter un processus qui peut sembler long et frustrant au départ. Bref ! On veut brûler des étapes.
Pourtant, rien ne vaut selon moi l’investissement dans un travail en profondeur, le plus méthodique possible – construction non linéaire dans le temps, avec des phases importantes d’intégration.
Il sera d’ailleurs beaucoup question de gestion du temps et de métacognition encore !
Vous vous souvenez de ce mot? L’ « apprendre à apprendre »
Allez ! C’est parti ! J’ouvre ma boîte à outils. ⛏⚙⛓⚔
#1. Apprendre par cœur dès le début et lentement (pour ne pas imprimer de fausses infos)
Si une pièce est à mémoriser, beaucoup de professeurs recommandent de l’apprendre par cœur tout de suite. Comme le souligne Stéphanie-Marie ! Et je suis 100% d’accord !
Si on veut apprendre la pièce par cœur, pourquoi l’apprendre deux fois ? En effet, il s’agit d’un tout autre apprentissage.
Autant s’y coller tout de suite !
De plus, il est vraiment frustrant de penser connaître une pièce et une fois lâché sans partition, de se rendre compte qu’il ne reste plus de trace de la pièce ! Je l’ai souvent observé chez mes élèves.
D’ailleurs, quand j’étais toute petite, ma maman me disait toujours : « apprends ton morceau par cœur tout de suite ! »
Pour elle, non-musicienne, il était clair que si je ne connaissais pas mon morceau par cœur, je ne le savais pas vraiment.
Belle intuition ! Cela rejoint ce qu’Arlette écrit en citant le fabuleux pianiste roumain Dinu Lipatti :
Vous pouvez donc maudire (intérieurement) votre prof. qui exigera d’entendre seulement des pièces sues par coeur en cours. Au final, cela vous évitera une sacrée perte de temps !
⚠️
Et souvenez-vous,« dès le début », signifie aussi qu’il faut faire attention à la qualité de ce que l’on apprend dès le départ. Je vous le disais déjà dans un article précédent, le cerveau enregistre tout de suite, même les erreurs !
#2. « One potato at a time »
ou l’art de la séquence
Il est essentiel de définir des séquences, aussi petites que nécessaires que l’on puisse mémoriser facilement. Un peu comme un jeu de constructions LEGO, on monte une brique à la fois et on l’empile avec une autre brique.
J’ai toujours adoré l’expression : One potato at a time . C’est une invitation à ne prendre qu’une bouchée à la fois, pour rendre la chose plus digeste. Métaphoriquement, ce sont aussi les « baby steps ».
En effet il y a toujours une entité minimale que l’on est en mesure d’isoler et de retenir à un instant t.
D’ailleurs, il est très efficace de forcer le trait et de se limiter intentionnellement à une « brique » légèrement plus petite que ce que l’on aurait éventuellement pu absorber en se forçant, avec un effort supplémentaire. Quitte à ce que cela semble trop petit. Cela permet de développer un sentiment de réussite et de confiance !
J’ai fait cette expérience lors de l’apprentissage de standards de jazz swing il y a quelques mois. On y va petit bout par petit bout, sans passer par l’écrit. Cette intégration par l’oralité, qui me terrifiait au départ, faite poco a poco, est d’une efficacité redoutable. Cela laisse des traces indélébiles !
#3. Au commencement était…
la fin !
Cela peut sembler pour le moins contre-intuitif. En fait il s’agit de bon sens.
Ce procédé me vient d’une conversation avec Stéphanie-Marie Degand, que je citais plus haut, quand nous étions collègues, professeures de violon au Conservatoire CRR de Caen (c’était il y a …longtemps).
Nous observions que les élèves avaient souvent plus de mal vers la fin d’un morceau. Comme si la qualité de l’apprentissage et la stabilité du « par cœur » diminuait au fur et à mesure de la pièce.
Il est vrai que souvent on commence une pièce, chargé de bonnes intentions et on s’acharne sur le début de la pièce.
Et on se promet que l’on n’avancera pas tant que cela ne sera pas su parfaitement ! Et chaque jour on reprend du début. Ainsi le début devient de mieux en mieux au détriment du reste. L’écart se creuse.
Pourtant en situation de concert, il est essentiel que la fin d’une pièce soit très solide car parfois il faut faire face à une certaine fatigue, il faut avoir de l’endurance.
L’astuce pour contrer ce phénomène est donc, à l’échelle du concerto, de commencer par apprendre le dernier mouvement ou, en tout cas, de ne pas tarder à s’y mettre. Et à l’échelle d’un mouvement, d’apprendre la page du début et celle de la fin d’abord puis d’avancer ainsi jusqu’à avoir couvert la totalité du morceau.
Astucieux, n’est ce pas ?
D’ailleurs le fait de commencer à répéter la dernière partie de la pièce permet à la musique de s’installer dans la mémoire de manière plus sûre que si on commence par le début.
Car le cerveau a toujours la possibilité de prévoir ce qui suit, ce qui donne une grande sensation de confiance.
A une échelle « micro », il peut être aussi intéressant de combiner cette idée avec la méthode #2 des séquences.
Mode d’emploi :
Appelons la dernière mesure d’une pièce x. Apprendre x. Puis la mesure x-1. Puis enchaîner x-1 avec x. Et remonter ainsi jusqu’au début de la séquence.
C’est du Professeur Kurt Sassmanshaus, Prof. au College-Conservatory de Cincinnatti, ancien assistant de Dorothy Delay que j’ai appris cette méthode.
Lors d’une masterclass à la Hochschule de Trossingen, où je l’avais invité à venir, il a fait apprendre ainsi – en temps réel – deux lignes de la grande fugue en Do Majeur de Bach à une élève. En quelques minutes – ces lignes furent « gravées » à vie !
#4. La puissance de la répétition
… démultipliée par l’analyse !
Certes on peut convoquer toute la créativité du monde, mais pourquoi ne pas tirer parti de la force de la répétition, de la (bonne) habitude et de la création de repères ?
Quand je vous parlais de l’apprentissage de standard de jazz swing, au-delà du séquençage il y avait énormément de répétition. C’est d’ailleurs le principe des fameuses « loops » des jazzmen : on fait tourner, en boucle.
Alors, on peut donc « faire tourner » une brique, une section. Et c’est encore mieux quand elle a du « sens ». Une fois de plus, on voit que l’ analyse du texte musicale rentre tout de suite en jeu.
Ainsi on peut isoler une entité qui porte un sens, une micro-structure qui s’articule, par exemple là où on « respire », un membre de phrase, selon les contextes.
Cela permet aussi d’identifier des récurrences inhérentes à la composition, des sections, des « patterns » selon les échelles.
Un peu comme dans une poésie. On trouve un refrain, une rime.
Des études ont d’ailleurs montré que l’intégration est encore plus efficace quand – à la répétition, on ajoute l’analyse. Ainsi, il s’agit non seulement d’un processus intelligent mais d’une manière de faire qui renforce la mémorisation.
C’est aussi une manière d’intégrer le trajet, de « réduire » le texte et d’isoler les « ronds-points ». (je vous renvoie à l’article de la série #8)
#5. « Sleep on it » : Dormez et …faîtes la sieste ! 😴
Autrement dit, il ne faut pas sous-estimer la puissance de Morphée.
Il peut être très judicieux de se « coucher » sur sa partition.
Sans parler de collègues superstitieux qui me confiaient dormir avec la partition sous leur oreiller 👻, faire une dernière séance de travail de mémorisation avant d’aller se coucher peut être très efficace.
Le cerveau va « continuer » à travailler pendant la nuit. Petit bémol : cela ne vous garantit pas une bonne qualité de sommeil.😢
Plaidoyer pour les siestes et des micro-siestes
Selon moi, la sieste devrait être obligatoire !!
C’est une méridionale qui parle. ☀️
Plus sérieusement, des études ont montré que les siestes avaient le même effet sur la mémoire qu’une nuit complète de sommeil.
La sieste entre deux phases de mémorisation peut remplacer la consolidation qui est nécessaire avec le sommeil la nuit et donc doubler votre temps d’apprentissage.
Précieux quand on doit apprendre quelque chose en un temps record !
D’ailleurs à vous de savoir à quel moment vous êtes au top pour travailler.
C’est ce qu’on appelle la chronobiologie ou l’art de choisir des moments propices de travail . Un terme un peu pompeux qui vient traduire l’observation d’une réalité. Il y a des heures où nous sommes plus aptes à étudier que d’autres.
J’y reviendrai.
#6. Let’s be S.M.A.R.T !
Vous avez sans doute déjà entendu parler de la méthode S.M.A.R.T., n’est-ce pas ?
En coaching on emploie souvent cet acronyme pour définir des objectifs. En français, un objectif SMART est : Spécifique, Mesurable, Atteignable, Réaliste, Temporellement défini.
Bon, certains qualificatifs varient un peu selon les langues pour caractériser chaque catégorie. Il faut bien que l’acronyme fonctionne.
Appliqué à notre cas du travail de mémorisation, cela veut dire :ne pas vouloir apprendre tout en un jour.
Faire un plan de travail, évaluer une quantité réaliste, une section, un certain nombre de pages raisonnable pour un temps donné.
👉Par exemple, il est intéressant d’avoir ce principe SMART en tête avant de définir une brique ou une séquence. cf. point #2
👉Très utile aussi combiné avec le point #3 (fin/début)
#7. La technique Pomodoro
ou comment optimiser vos sessions de travail
Après les patates du #1, c’est le tour de la tomate.🍅 J’y reviens tout de suite.
Et non, je ne parle pas de nutrition (même si …ça ne serait pas faux ) #kaamelott
Ce qui va être déterminant pour bien mémoriser, c’est la qualité de concentration durant les sessions de travail.
Pour cela, des études (encore) de neurosciences ont montré que notre attention réelle ne peut être soutenue que sur des périodes très limitées.
Alors, quel est le rapport avec la tomate ?
Eh bien, j’aimerais vous parler d’une technique aussi drôle dans sa description qu’efficace dans son application : La Pomodoro technique.
Oui, Pomodoro…veut bien dire tomate en italien !
Cette méthode fait référence aux minuteurs en forme de tomate qu’on utilise en cuisine.
Vous voyez ?
Pour résumer, cette méthode tenant compte de notre déficit attentionnel au bout d’un certain temps propose d’optimiser le temps de travail en programmant une période de 25 minutes de travail concentré suivie de 5 minutes de repos.
👍Idéalement combinée avec un objectif SMART en amont de chaque session !
💀Ah oui… j’oubliais : un détail important pour que la Pomodoro fasse son effet ! Interdiction de regarder son smartphone durant une Pomodoro Même pas en mode vibreur ni en silencieux – non, non, non !
Mettez le en mode avion ! ✈️
Aie aie aie !
#8. Le travail mental et la chasse aux blindspots
… du solfège à l’écriture ✍️
Je vous ai déjà beaucoup parlé de la puissance du travail mental.
Le travail mental, c’est quand on s’imagine chaque note et chaque geste intérieurement.
On « se voit » de l’intérieur en train de faire le geste. On localise dans son esprit où est la note sur la touche ou sur le clavier.
Vous pouvez essayer les yeux fermés d’ailleurs, loin de l’instrument.
Les sportifs utilisent cette technique constamment pour trouver le geste idéal. Les golfeurs, les tennismen…
Ce type de travail permet aussi de développer un « feeling » du trajet de l’œuvre.
Un peu comme les skieurs qui font de la descente et qui se repassent le parcours en tête. Ils savent exactement à quel moment arrive quel tournant ou quel saut.
Idem en formule 1.
Travail mental et chronobiologie
Il est d’ailleurs très efficace de combiner travail mental et la chronobiologie que j’évoquais plus haut. Par exemple, avant de se coucher, parcourez l’oeuvre mentalement ! Ou bien, le matin au réveil.
Si on a une tendance auditive et/ou visuelle, rien de tel que d’écouter un enregistrement de la pièce avec la partition dans son lit. Malgré toute l’attention apportée pendant l’apprentissage, on observe souvent quelques zones d’ombre.
Les blindspots : ennemi numéro 1 Qu’est ce qu’un blindspot ?
En français, on pourrait traduire ça par un angle mort, fatal sur la route.
Autrement dit, ces choses qui échappent à notre attention et qui rendent la « conduite » (sur scène) très dangereuse.
Rappelez-vous le skieur ou le conducteur de formule 1.
Pour le musicien aussi, cela vaut la peine de dépister les blindspots avant de monter sur scène et d’être « brutalement » honnête avec soi-même dans la préparation.
Au début des visualisations et du travail mental, il est courant de « bloquer » à un moment. Très bien ! Vous avez découvert une zone qui doit être renforcée et repensée !
Si vous arrivez à tout visualiser mentalement et à tout ressentir « comme si », sans hésitation, c’est que c’est du solide.
Ce sont ces endroits dans le travail mental où on hésite, où on se demande quelle est la prochaine note, quel est le doigté, le coup d’archet etc… où on aura le plus de risques d’avoir un trou de mémoire sur scène. Pas de hasard… !
Dépistage de « bugs »
Pour dépister ces points qui demandent à être renforcés, je prescris deux méthodes radicales :
la première tactique : le solfège !! Dire le nom des notes – à voix haute
Si vous arrivez à « réciter » de mémoire le texte musical, vous le savez. Typiquement, là où la parole coince, vous pouvez être sûr qu’il s’agit d’un endroit où il y a un « nœud » mental et digital.
Avec cette méthode si simple, j’ai pu « débloquer » des élèves de manière sidérante.
Pourtant en Allemagne on utilise un autre système de lecture de note : A pour La, B pour Si, C pour Do etc… J’ai réussi à convaincre certains élèves allemands de tenter l’aventure de la lecture de notes ! Cela valait la peine !! J’adore d’ailleurs cette pratique de mantra cela peut rendre accro !
la deuxième stratégie : écrire / transcrire C’est l’équivalent d’un IRM pour le cerveau du musicien. On pourrait dire qu’en retranscrivant la musique apprise, vous faites une sorte de scanner mental !
J’ai découvert pour ma part cette technique par hasard en voulant écrire la fugue en sol mineur de la 1ère sonate de J.S.Bach. Pièce que j’avais longuement étudiée. J’ai été choquée de détecter des points inexacts… des fautes qui étaient jusque là passées inaperçues.
Saisissant et implacable !
#9. Rôdez, encore et encore !
…dans les meilleures et les pires conditions 👻
Une fois la pièce apprise, s’il n’y avait qu’un conseil, ce serait : rôder, rôder et encore rôder !
Autrement dit, tester souvent.
Mentalement, faites-vous des interrogations-surprise « à froid » le matin au réveil ou le soir après avoir travaillé sur une autre œuvre par exemple.
Et saisissez toutes les occasions pour jouer la pièce, lancez vous ! Seul – en début de session, en fin de session, devant des amis, lors d’une soirée…
Et ce dans tout type de conditions !
Lors de mes études à Münich, où j’ai eu la chance d’étudier avec la grande Ana Chumachenco, elle insistait pour que nous montions sur scène le plus souvent possible.
Combien d’auditions de classe ai-je fait dans la petite salle de la Hochschule ?
Et à chaque fois, il s’agissait de passer le baptême du feu dans un climat de bienveillance. On savait qu’une fois la pièce jouée en audition, on était prêt pour s’aventurer avec dans le monde extérieur !
Très précieux !
Paradoxalement il me semble aussi très efficace de s’entraîner à rôder ses pièces dans de mauvaises conditions !
Attention : tout est relatif
Je m’explique !
Lorsque j’étais toute petite, j’avais quatre ou cinq ans, je me souviens de la méthode d’une de mes professeurs Aurelia Spadaro, une élève du merveilleux violoniste Zino Francescatti.
(oui, la petite fille à l’ourson, c’est moi…)
Aurélia nous faisait enchaîner nos morceaux lors de la répétition générale du concert de fin de stage (C’était à Aix-les-mille il me semble !) en jetant des chaises par terre !!
Si, si !
L’idée était géniale. Le but était de créer un chaos autour de nous. Ainsi si nous arrivions à tenir le cap, c’est que notre concentration était à toute épreuve et nous étions prêts !
Des V.T.T. – violonistes tout terrain
Cette pratique, qui peut sembler farfelue de prime abord, est puissante. Ainsi, le virtuose Alexander Markov qui avait enregistré les 24 caprices de Paganini en live sous la caméra de Bruno Monsaingeon racontait avoir utilisé des techniques …assez radicales pour se préparer. Il se levait au milieu de la nuit pour les enchaîner. Ou bien, les jouer à froid avec des mitaines…
Evidemment pas nécessaire d’exagérer…
Mais si on y arrive dans des circonstances inconfortables, alors le mental est immunisé. Qui peut le plus, peut le moins !
Et la confiance qui naît de telles expériences de rodage est une vraie confiance qui ne provient pas d’une méthode Coué (efficace parfois!). Le « système » intérieur sait qu’il sait.
#10. La méthode ultime …
quand ça coince vraiment
Attention ! Là, on passe au stade nucléaire.
Que faire quand on a essayé tout ca, que le cerveau sature, qu’il n’y a plus d’espace mental libre dans le disque dur et que ca coince ?
Vous vous souvenez de la formule magique f**k it ? Et bien, oui !
👉Quand on cale et que trop c’est trop, eh bien, pourquoi ne pas s’autoriser à… ne pas apprendre par cœur ?
Après tout, je vous ai déjà montré que jouer par cœur est aussi une convention qui n’a pas toujours existé. Ce n’est pas une obligation.
Et cela ne définit pas forcément la qualité musicale, loin de là !
Laissez moi vous raconter un épisode …intense que j’ai vécu l’année dernière.
J’ai été amenée à « monter » la 1ère sonate de Prokofiev en un peu moins d’un mois. Je devais l’apprendre avec en même temps un autre programme de récital, des cours à donner et de nombreux déplacements.
Le concert était avec Abdel Rahman El Bacha, pianiste que j’adore et qui affectionne particulièrement le jeu de mémoire.
Donc j’avais l’intention de l’apprendre par cœur. Jusque là j’avais joué la sonate une ou deux fois par le passé, mais avec partition.
Malgré toute ma bonne volonté, au bout de quelques jours, j’étais HS. Je crois que l’on voyait mon cerveau fumer quand je sortais dans la rue.
Impossible, un cauchemar … J’étais épuisée.
J’ai réalisé que je n’étais pas en état, que je ne pouvais pas tenir la pression de l’obligation que j’avais générée toute seule, de « devoir » apprendre « par cœur » et rapidement une musique complexe. Je voulais trop !
Alors, j’ai été forcée de lâcher la pression.
F**k it !Non, je ne jouerai pas par cœur cette fois-ci.
Dommage… Mais réaliste.
J’ai d’ailleurs écrit à Abdel Rahman en m’excusant platement par avance…
Ceci a provoqué un tel soulagement mental que j’ai retrouvé très vite un plaisir immense à étudier la pièce.
Pièce géniale que j’adore d’ailleurs.
A tel point qu’au bout de quelques jours de travail et d’analyse en profondeur de la partition, j’ai réalisé que je commençais à en connaître de nombreuses sections par cœur.
Et à partir de ce moment, tout a basculé. Au final, nous l’avons jouée par cœur et ce fut un moment extraordinaire.
Une belle leçon d’humilité et aussi, un enseignement.
Comme si j’avais réussi à l’apprendre par cœur – malgré moi !!
L’attitude de F*** it ici m’a permis de lâcher prise et de réinstaller un aspect « ludique » dans l’apprentissage.
Et en réintroduisant l’aspect ludique, et l’intérêt réel pour le contenu musical, on aime à nouveau « fréquenter » la pièce. Cela « ouvre » le cerveau et enlève le stress inhibiteur.
Car oui, la motivation et le plaisir sont deux points essentiels … pour retenir tout ce que vous voulez !
Encore une chose avant de finir, j’aimerais vous donner un Joker ou plutôt un dernier conseil
Si finalement vous vous décidiez à laisser la partition pour le concert, surtout soyez clair avec vous-même et répétez avec la partition à temps!
Croyez-moi ! Je vous parle d’expérience et ce tuyau vous évitera bien des ennuis.
En effet, on pourrait se dire que rajouter la partition au dernier moment, si on connaît la pièce « presque » par cœur ne fera qu’aider !
Eh bien non, cela peut aussi créer une perturbation visuelle extrêmement déstabilisante !
Car on n’est plus habitué à réagir aux stimuli visuels, on ne se retrouve plus sur la partition.
Donc décidez vous à temps (une semaine, même un jour avant) – sans jugement !
Et entraînez vous avec !!
Ah, et surtout n’oubliez pas, l’arme fatale : aimez la pièce pour la jouer par♥️ !
Bon, il y aurait encore tant de choses à dire sur le sujet.
Mais en attendant, vous êtes déjà bien équipés, non ?
Croyez-moi, cela vaut la peine. Ces méthodes, je les ai toutes testées maintes fois !
Et j’ai pu vérifier leur puissance aussi bien dans mes propres apprentissages qu’avec mes élèves.
Si cela vous intéresse d’en parler de manière plus personnelle ou pour vous faire coacher, vous pouvez me contacter directement en MP.
Partagez et diffusez cet article s’il vous a plu et surtout venez discuter avec moi dans les commentaires !
#8 - Apprendre par cœur (2e partie). Une histoire d’hippocampe, de croyance et de ... grenouille ! 💀🎅🐸
Nous voici repartis dans la thématique de la mémorisation. Ne croyez pas que nous ayons fait le tour du sujet la semaine dernière : j’ai encore des choses importantes à vous raconter ! Encouragée par vos commentaires nombreux, j’ai d’ailleurs poursuivi mes recherches. 🤓
Pour commencer, j’aimerais répondre à Roland P.
Effectivement, brûlante question que celle du vieillissement et de la mémoire.
Disons que j’ai de bonnes et de moins bonnes nouvelles. Bien sûr, je ne parle pas de cas de démence, de maladie d’Alzheimer ou autres maladies neurodégénératives. 😱
D’autre part, nous ne sommes pas tous égaux face à cette thématique. Faut-il citer le cas du pianiste Walter Gieseking qui était célèbre pour sa capacité à apprendre une pièce par coeur dès la première lecture de la partition ? 😳
impressionnant…
Et le cerveau ne vieillit pas de la même manière chez tout le monde, son vieillissement n’affecte pas les fonctions cognitives de la même façon.
Bon, alors… Que faire ?
Use it or lose it !
de la neurogénése à la musicothérapie 👽⛑
Quelle joie de lire également le commentaire de Roger Germser, professeur de violon et de musique de chambre au CNSM de Lyon, que j’avais rencontré il y a trois ans lors d’un jury de fin d’études au CNSM de Paris !
Effectivement, l’apprentissage à 18 ans, ce n’est pas la même chose qu’à 72 ans. Mais est-ce forcément moins efficace ? Pas si sûr !
Alors, oui, le cerveau perd des cellules et l’utilisation de certaines zones cérébrales diminuent avec l’âge. Mais peut-être vous souvenez-vous du mot barbare de la semaine dernière qui permet de désigner la capacité du cerveau de créer, défaire ou réorganiser les réseaux de neurones et les connexions de ces neurones ?
Attention : c’est un test caché…😅 😅 Vous connaissez sans doute la blague : « Quel est le prénom d’Alzheimer? »
Oui, c’est la : neuroplasticité ! 🎯 Et rajoutons aussitôt un mot de la même famille cette semaine, car c’est une bonne nouvelle : la neurogénèse.
En effet, des études menées par des neuroscientifiques ont montré que le cerveau adulte peut générer de nouveaux neurones. Notamment dans l’hippocampe, cette aire cérébrale cruciale dans le mécanisme de la mémoire ! (J’y reviens plus tard !)
Théorie de compensation
De plus, il semblerait que le cerveau se réorganise à mesure que l’on vieillisse et développe des systèmes de compensation. Autrement dit, pour atteindre son objectif, le cerveau utiliserait des zones qui compensent celles ayant diminué avec l’âge.
Malin ! 🐒
Ainsi le cerveau en vieillissant fonctionnerait différemment pour réaliser les mêmes choses, mais pas forcément moins bien !
A ce processus s’ajoute le concept de la « réserve cognitive ». En gros, si on a activé toute sa vie son cerveau, on a plus de chance de trouver des moyens de compenser avec efficacité !
Motivant, n’est-ce pas ? 🐹
En résumé : Use it or lose it ! appliqué ici : appliqué ici : Utilise ta mémoire, sinon tu la perds ! CQFD
Oui, c’est une bonne chose de continuer à apprendre par coeur, quel que soit votre âge. Peut-être frustrant voire exaspérant, mais dites vous que vous faites du bien à votre cerveau !
Bon, assez de neuro-sciences et de neurologie pour aujourd’hui ? 🤕
Euh…Attendez !! Encore un (petit) instant !
Je vous l’ai déjà dit, le cerveau est une machine fascinante. Et J’aurais voulu être … 🎤 … neurologue ou neuro-scientifique (dans une autre vie) !
Musicothérapie…
quand faire de la musique aide le cerveau 🎶🎯👽
Revenons (rapidement) à la Maladie d’Alzheimer et à l’hippocampe (cette aire cérébrale que j’évoquais en lien avec la neurogénèse d’ailleurs) !
J’aimerais vous signaler quelques documentaires vidéo merveilleux. Notamment celui, intitulé « La musique va à l’hippocampe », dans lequel s’exprime le Professeur Hervé Platel – que je rêve de rencontrer !
On y voit l’exemple bouleversant de patients atteints de la maladie d’Alzheimer qui arrivent à mémoriser des mélodies alors qu’ils ne peuvent plus mémoriser un texte.
Le Prof. Platel y exprime une hypothèse porteuse d’espoir : « Et si la musique était un facteur de préservation du démarrage des maladies neurodégénératives ? » En tout cas, « la pratique de la musique modifie le cerveau ».
Dans l’autre document intitulé « La musique freine la maladie », le psychologue cogniticien, Emmanuel Bigand, parle de la musique comme réactivant la plasticité du cerveau des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. « Si l’impact est nul sur les réseaux neuronaux déjà détruits, le travail de stimulation par la musique permet de réorganiser les structures des réseaux encore intacts. »
Et enfin, je partage avec vous un dernier lien. Il s’agit du documentaire magnifique où parle et joue Alexis Galpérine. Un violoniste et pédagogue que j’adore, professeur au CNSM de Paris 🎻
La musicothérapie, sujet fascinant : je vous en reparlerai dans un prochain article !
Alors, encore merci à Roland P. pour sa question. 🙏
Non seulement cela m’a stimulée à poursuivre mes recherches. Mais cela m’a aussi amenée à faire un retour sur mon expérience pédagogique et à formuler un aspect qui me semble essentiel, que je n’avais pas encore mis en mot !! Celui des croyances 🎅
J’aimerais vous raconter cela aujourd’hui !
Mon élève : L., 23 ans
…une histoire de grenouille et de prophétie 🐸🌟
En lisant la question de Roland, j’ai tout de suite repensé à une de mes élèves à la Hochschule (Haute école de musique/Conservatoire) de Trossingen en Allemagne, où j’ai été en poste pendant cinq ans.
L., âgée de 23 ans à l’époque était convaincue de ne plus pouvoir apprendre par coeur et m’avait dit être trop âgée pour le faire. Il faut dire que la dernière fois qu’elle avait appris un morceau par coeur, c’était quand elle avait 16 ans.
Si,si ! Un violoniste à 23 ans peut se trouver trop âgé… 🙃 Sans commentaire ! 🤐
Comment expliquer qu’un jeune de moins de 25 ans puisse exprimer la même chose qu’une personne de plus de 60 ans sur ce sujet ? Si dans le deuxième cas, on ne peut pas exclure l’impact de l’âge, avec une jeune femme de 23 ans, plus difficile…
Laissez moi faire un détour (apparent) pour vous conter l’histoire de la grenouille sourde
Il était une fois…
Une bande de grenouilles qui décide d’organiser une course. L’enjeu est d’être la première à arriver tout en haut d’une très grande tour.
Les grenouilles se réunissent et commencent à grimper.
Très vite, les villageois font des commentaires désobligeants : “Elles n’y arriveront jamais !”,“Pour qui se prennent-elles, si c’était possible, nous l’aurions déjà fait !” “Les grenouilles ne sont pas faites pour grimper !”.
Les petites concurrentes malgré leur courage, commencent à mesurer les difficultés de leur projet. Elles quittent la course l’une après l’autre.
Toutes. Sauf une.
Elle grimpe lentement, tandis qu’autour d’elle les commentaires continuent : « Descends, tu n’y arriveras jamais ! ». « Ce que tu es ridicule ! ».
Pourtant, inlassablement, la grenouille continue à avancer.
Après un énorme effort, elle finit par gagner le sommet. Toutes se précipitent autour d’elle pour savoir comment elle a fait pour réaliser ce que personne au monde n’avait encore jamais fait. L’une d’entre elles s’approche pour le lui demander.
C’est alors qu’elle découvre que la petite championne était sourde…
Cette histoire est souvent utilisée en coaching. Elle vient au fond illustrer la célèbre phrase attribuée à Mark Twain.
“They did not know it was impossible so they did it” – « Ils ne savaient pas que c’était impossible alors ils l’ont fait ! »
Et si c’était pareil avec l’apprentissage par cœur ?
⚠️ Attention aux prophéties auto-réalisatrices
Qu’est-ce à dire ? Je cite Paul Watzlawick, le fondateur de la fameuse école de Palo Alto :
« C’est une prédiction qui provoque un ensemble de comportements qui font que la prédiction se réalise. »
Ainsi, si on est intimement convaincu que l’on ne peut pas apprendre par coeur, tous nos comportements vont s’aligner de manière à prouver le postulat de départ.
Par exemple, j’avais une élève F., 28 ans, convaincue (elle aussi!) qu’apprendre par coeur, ce n’était pas pour elle. Lorsqu’elle se mettait à apprendre par coeur une pièce, elle se mettait dans des états de panique tels, qu’elle était hantée par des projections négatives et catastrophiques. Elle se voyait déjà avoir des trous de mémoire sur scène.
D’ailleurs, comme dirait Mark Twain — que je cite encore : “I’ve had a lot of worries in my life, most of which never happened.” « j’ai eu beaucoup de soucis dans ma vie, dont la plupart ne se sont jamais produits »
Comment apprendre sereinement et méthodiquement dans ce contexte ?
Âge, perte de mémoire et croyance
Concernant l’âge, on ne peut sans doute pas réduire la problématique à une croyance. Pourtant on peut ressentir intuitivement que l’association d’idées automatique : vieillissement = perte de mémoire n’aide pas !
Dans une interview publiée sur Planète Santé, le professeur de psychologie clinique à l’Université de Genève, Martial Van der Linden dit :
« Une partie des difficultés des personnes âgées est la conséquence de clichés selon lesquels vieillissement est égal à perte de mémoire. Or, quand on active un stéréotype, il s’autoréalise. Des études ont montré que des personnes qui lisent un texte disant que le vieillissement s’accompagne de difficultés de mémoire auront, ensuite, plus de mal a mémoriser. »
Bien sûr, je le répète ! Il ne s’agit pas de minimiser ni des affectations neurologiques, ni le vieillissement physiologique, ni même le fait que pour certains apprendre par coeur soit plus difficile.
Fascinant, tout de même !
📌 Donc, si on vous répète (ou vous vous répétez!) qu’apprendre par coeur n’est pas à votre portée, … …difficile d’y arriver !
Pédagogie et affaire de croyance 🎅
Revenons à mon élève L. N’ayant plus appris par cœur depuis ses 17 ans, elle avait développé une angoisse, une sorte de barrière psychologique. Bloquée sur un souvenir négatif, elle ne pouvait mentalement que produire des anticipations négatives.
Elle s’était d’ailleurs identifiée à ce que j’appellerai une idée-étiquette « moi, L.,23 ans : je ne peux pas jouer par cœur »
Pourtant j’étais profondément convaincue qu’elle le pouvait. Il n’y avait pas d’obstacle —apparent. En fait, il fallait me convaincre du contraire !
Dans un premier temps, rien n’y faisait. J’ai tout essayé. Lui proposer des challenges légers, des méthodes ludiques. Aucun impact.
Pourtant elle était sérieuse. Aucun doute là-dessus. Croyez-moi, j’ai un radar aiguisé ! 👀👻
C’est alors qu’en discutant avec elle, j’ai compris qu’inconsciemment elle était absolument convaincue qu’elle ne pouvait pas et donc, d’une certaine manière, elle me prouvait que sur elle, rien ne marchait !
Avant de parler de méthodes de travail et d’entraînements sur scène, il fallait donc déraciner la croyance sous-jacente.
Cela voulait aussi dire, en tant que professeur, qu’il fallait résister,
tel Ulysse attaché au mât du navire, à la tentation de l’appel des sirènes …🚢😅 c’est-à-dire, ne pas « céder » à sa croyance et donc ne pas la laisser jouer avec partition à son examen.
L’ambiance de la classe a été propice à des expériences d’apprentissage positives. Car un point essentiel était de créer pour L. un entourage bienveillant pour qu’elle se lance et qu’elle engrange dans son »système » un nouveau type d’expériences .
Une sorte de groupe de soutien où tout le monde partage l’apprentissage lors de sessions collectives hebdomadaires entre les étudiants.
Zéro pression. Personne n’allait se moquer si elle avait un accro. Au contraire! Humilité et solidarité car cela arrive à tout le monde ! Il s’agissait plutôt de valoriser le courage de chacun et de dédramatiser.
Résultat après quatre années intenses : elle a joué brillamment et par coeur lors de son récital de Master. Notamment le 1er mouvement de Concerto de Brahms. Ce qui représente quand même 20 minutes de musique à « envoyer » d’une traite.
Cela valait la peine de prendre un risque… au fond, bien calculé, même si la veille lors du dernier rôdage, j’avais des sueurs froides…😨
En effet, c’était une sacrée responsabilité en tant que professeur. J’avais eu des débats (houleux) avec mes collègues allemands sur ce sujet. Ils ne voyaient l’apprentissage par coeur que comme une torture infligée aux étudiants.
Mais j’avais fait ce choix pédagogique, en âme et conscience, par rapport à l’évolution de L. et de son engagement colossal à partir du moment où la croyance limitante avait été fissurée.
J’ai ressenti qu’elle ne pouvait qu’en sortir plus forte. Et pour le coup, j’étais intimement convaincue qu’elle pouvait le faire.
D’ailleurs ne pas l’encourager à croire en son potentiel, à se lancer, ne pas l’encourager à faire tomber un « mur »intérieur, cela aussi aurait eu un coût psychologique. Implicitement cela aurait renforcé sa croyance limitante ! 😱
La question de Benoit
Commentaire très intéressant !
J’ai d’ailleurs toujours adoré l’idée de téléportation#dragonball
Je suis quand même allée vérifier la définition de warp zone 😅🤓 et voilà ce que j’ai trouvé sur Wikipédia dans le contexte de jeux vidéo
« aussi bien vue comme un moyen de reprendre le jeu à un point plus avancé (sans devoir tout refaire), comme un moyen permettant de choisir son niveau, ou comme une astuce et voilà ce que j’ai trouvé sur Wikipédia dans le contexte de jeux vidéo
« aussi bien vue comme un moyen de reprendre le jeu à un point plus avancé (sans devoir tout refaire), comme un moyen permettant de choisir son niveau, ou comme une astuce permettant d’avancer plus rapidement et d’ et d’éviter un passage difficile. »
C’est moi qui souligne « éviter un passage difficile »…
Intéressant, n’est-ce pas ?
On peut se demander si le fait d’avoir sauté la section B dans une forme ABAC n’était pas tout simplement une action ( astucieuse, je dois dire!) de l’ Inconscient de Benoît pour lui faire éviter un passage difficile !
Ah ! 🕵 Qu’en dites-vous, Benoît? 😉
Une autre chose qui me semble ressortir de la question posée, c’est la relation mémorisation et gestion du trac sur scène. On pourrait dire : il faudrait vouloir être sur scène sur toute la durée de la pièce et peut-être même imaginer pouvoir y avoir du plaisir !
D’où l’importance d’avoir un entourage bienveillant quand on fait ses premières armes et continuer à se créer un « répertoire » d’expériences positives auxquelles se référer quand le mental s’emballe.
Comment reprogrammer les « self-concepts »limitants liés au “par cœur” ?
Comme nous l’avons vu précédemment, les idées limitantes ou self-concepts sont des sortes d’illusions imposées sur soi il y a longtemps.
Ombre d’une ombre… ombre de ta ✋, ombre de ton 🐶
Il est important de comprendre qu’au-delà d’une préparation adéquate (en béton armé, si possible), le problème souvent, ce n’est pas le « par cœur »
mais la réaction au « par cœur » !
C’est l’association d’idées, les connotations et les souvenirs d’expériences ratées (parfois une dans l’enfance suffit) qui viennent dramatiser cette pratique.
Le souci n’est donc pas dans le manque de capacités ou de compétences mais dans la panique « acquise » qui lui est associée.
Pour reprogrammer cela, il est selon moi essentiel de
– se souvenir des expériences (traumatisantes et…) des bonnes aussi !! Autrement dit, cela vaut la peine de renforcer les souvenirs positifs, même les petites victoires – voire surtout celles-là ! D’autant que souvent nous sommes victimes d’un phénomène de distorsion cognitive. On a tendance à se souvenir beaucoup plus des expériences d’échec plutôt que des expériences positives.
Dommage, quand même !
– vérifier son discours intérieur Ce qu’on se dit à soi-même Aussi bien quand on travaille chez soi, qu’en cours ou avant de rentrer sur scène par exemple… Être attentif aux phrases « Le par-cœur, ce n’est pas pour moi… »
Les écrire : radical pour prendre conscience de la négativité qui peut régner à l’intérieur de son mental et la stopper! ✍️👁😱
– pratiquer un travail mental de visualisation
Pour cela je traduis (de manière sauvage) un extrait d’article d’une de mes idoles pédagogiques, Simon Fischer
Chaque fois que vous pensez à une échéance qui approche – que ce soit un concert, un examen ou une audition, vous maintenez une image mentale dans votre esprit. L’espace d’un instant, ou pour quelques secondes à la fois, mais de manière répétée, encore et encore, vous vous imaginez en train de jouer.
La question, c’est :
Quelles sont les images que vous vous repassez encore et encore dans votre tête ? Est-ce que ce sont des images d’un résultat que vous souhaitez ou bien que vous ne voulez pas ?
Si vous vous imaginez anxieux, ou si vous vous inquiétez d’avoir un trou de mémoire ou vous inquiétez de la réaction du public, ou pensez à ce démanché que vous risquez de rater en bas de la deuxième page ou cet endroit vers la fin où votre main se crispe, vous entretenez cette image dans votre esprit !
Fischer propose : – de dire mentalement NON à ces images – de construire pour les remplacer des images plus aidantes de liberté, de plaisir, d’aisance et de confiance.
Bon… une précision :
Il ne s’agit pas seulement de prôner la méthode Coué ou des affirmations positives.
Quoique La pensée positive peut aider dans certains cas.
Mais cela ne vous aidera pas si vous n’avez pas fait le nécessaire et si vous ne connaissez pas la pièce…😰
Ce qui est intéressant ici, c’est de profiter du fait que – comme décrit en hypnose – le subconscient ne fait pas la différence entre ce qui arrive réellement , ce que vous visualisez dans l’œil de votre esprit et ce que vous visualisez avec votre œil physiologiquement. 👁💤
Allez, assez de psycho pour cette semaine, 🤕 au boulot ! 😅
Une fois que tout cela est « déconstruit », rien ne vaut un travail méthodique, commencé à temps, comme le dit si justement Stéphanie-Marie !
La mémorisation, sujet inépuisable – la suite, la semaine prochaine !
Je partagerai – enfin ! – avec vous ma boîte à outils : méthodes et astuces avec des choses simples — mais hyper efficaces ! — et des choses…plus inattendues !
Le prénom d’Alzheimer , c’était comment déjà ? … 🤔😳
🎬
Partagez et diffusez cet article s’il vous a plu et surtout venez discuter avec moi dans les commentaires !
#7 – Apprendre par cœur.
4 principes essentiels pour mémoriser de la musique
Une histoire de cerveau, de cœur et … d’iceberg 💀❤️🍦
Cette semaine, à la demande de certains d’entre vous, j’ai décidé de parler d’un sujet qui me tient vraiment à cœur et avec lequel j’ai beaucoup cheminé les dernières années, dans ma propre pratique et avec mes élèves. Le fait de mémoriser des partitions et donc de jouer de mémoire !
C’est notamment au contact du pianiste Abdel Rahman El Bacha, avec lequel je joue en récital depuis déjà presque cinq ans maintenant, que j’ai été amenée à repenser mon rapport à l’apprentissage par cœur.
Abdel Rahman aime particulièrement se produire sans partition et nous avons donné ensemble des récitals où nous avons joué tous les deux par cœur – chose rare !
Les expériences furent mémorables (…c’est le cas de le dire! ).
Et ce, à plus d’un titre. J’y reviens un peu plus tard.
Commençons par poser le contexte !
Attention : trou noir ! 😱
Dès que l’on parle de jouer de mémoire, beaucoup de musiciens commencent déjà à sentir des gouttes de sueur perler dans leur cou.
L’épouvantail agité, c’est bien sûr celui du « trou » de mémoire. 👻
Noir ou blanc, d’ailleurs. On parle de trou noir mais on dit aussi « avoir un blanc ».
En tout cas, une expérience qui relève des cauchemars les plus archétypaux de la profession musicale.
mais pas uniquement !
Amis acteurs, conférenciers et même écoliers… Bienvenue au club !
Souvent il faut dire que les premières expériences en musique peuvent avoir été traumatisantes dans le cadre d’examens de conservatoire.
Il fallait apprendre dans un délai limité un morceau de fin d’année. Trac – niveau maximal 💯
Bon, pour le sujet du trac, je vous renvoie à mon article précédent #3 !
Alors, une fois les exigences des examens passées me direz-vous, pourquoi les concertistes s’embêtent-ils à apprendre par cœur ?
C’est pas faux… #kaamelott
Contexte historique et conventions évolutives
En y regardant de plus près, on se rend compte que le fait de jouer sans partition ne va pas de soi. Il est inhérent à un contexte historique. On pourrait presque parler de modes.
En tout cas, on constate qu’il y a bel et bien une évolution au cours des siècles par rapport au sujet.
On cite souvent la phrase de Bettina von Arnim, une des amies de Beethoven, qui suite à un concert où Clara Schumann a joué l’Appassionata par cœur écrit : « Quelle prétention de s’asseoir au piano et jouer sans la partition ! ».
Imaginez un peu …
Là, on est au XIXe siècle.
Plus tard dans le XIXe et jusqu’à aujourd’hui , il devient attendu que les concertistes se produisent sans partition lorsqu’ils jouent en soliste avec orchestre, de même pour les récitals de piano ou d’instruments seuls ou bien encore pour le répertoire de pièces virtuoses.
Une exception dans la deuxième partie du XXe siècle notamment, avec les pièces de musique contemporaine ou des pièces moins souvent jouées où la partition est tolérée.
Quoique …
dans certains concours internationaux, tout doit être joué de mémoire !
Et je ne vous parle même pas des chanteurs lyriques qui tiennent des rôles de plusieurs heures parfois dans des langues qu’ils ne parlent pas ‼️
Par contre, le fait que les musiciens suivent la partition semble évident dans l’orchestre et dans les ensembles, en musique de chambre.
Quelques exceptions à la règle
A la fin du XXe siècle, le grand Sviatoslav Richter fatigué de certaines conventions justement et préférant l’instantanéité de la lecture du texte musical, ne joue plus qu’avec partition.
Comme contre-exemple, on peut citer le duo mythique formé par le violoniste Christian Ferras et le pianiste Pierre Barbizet qui jouent tous deux de mémoire.
De nos jours, on dénombre de plus en plus de jeunes quatuors qui se lancent sans partition dans le sillon tracé par le Quatuor Zehetmair. Impressionnant !
Donc il s’agirait des conventions plus ou moins tacites, qui semblent arbitraires et qui se redéfinissent à chaque époque.
Alors pourquoi continuer au XXIe siècle ?
Ou plutôt « pour quoi » ?
A l’ère d’internet, des i-pads (si si, de plus en plus de musiciens les utilisent sur scène, on peut même tourner les pages en actionnant une pédale rattachée en Bluetooth ) et même de Google-Glass, n’est-ce pas une perte de temps ? Une fatigue inutile ? Un goût de la performance — gratuit et stérile ?
De mon expérience, quand cela fonctionne, il se passe quelque chose d’assez exceptionnel. Que ce soit pour l’artiste ou pour le public.
Le fait que les artistes se produisent sans partition donne à ressentir le caractère unique du moment du concert, la prise de risque et le « sans filet ».
Pour les musiciens sur scène, être dégagé de la partition libère un espace mental et sensoriel habituellement occupé par la lecture. Les sens sont en éveil, le champ de vision ouvert et c’est comme si on entendait mieux.
La relation à l’acoustique, à la projection est également libérée, elle devient encore plus essentielle.
Le pupitre et la partition ne servent plus d’écran ou d’armure. Les artistes s’exposent et une proximité s’installe avec l’auditoire, comme une sensation de communion avec le public autour de l’œuvre.
La comparaison la plus parlante me semble celle d’un acteur de théâtre qui soir après soir a tellement absorbé, digéré, incarné son rôle qu’on a l’impression que son texte jaillit comme s’il était en train de l’improviser sous nos yeux, à ce moment donné.
Une re-création en temps réel.
Mon expérience est effectivement qu’il se passe quelque chose d’extraordinaire.
Il ne s’agit pas d’une recherche vaine de performance, ni d’une soumission résignée à des codes intangibles. Il y a quelque chose de magique à gagner dans l’affaire !
Certes, c’est une prise de risque, un pari !
C’est notamment dans les deux sonates de Schumann et la 1ère sonate de Prokofiev que nous avons jouées avec Abdel Rahman lors des Folles Journées de Nantes et de Noirmoutier, que j’ai pu en faire pleinement l’expérience.
Je me souviens qu’avant de rentrer en scène le trac était insoutenable. 😨
Pourtant une fois le premier accord lancé, confiance ! Et surtout l’impression que la totalité de l’oeuvre était présente dans mon esprit, sous mes yeux. Un arc musical et narratif – du début à la fin, contenu en un instant. Saisissant !
Fini, le plaidoyer !
Car il ne me semble pas nécessaire d’être dogmatique – en général, et dans ce cas particulier ! 😅
Ce type d’exercice n’est d’ailleurs pas à pratiquer avec tout le monde. Certains collègues refusent catégoriquement de jouer de mémoire. Et c’est la moindre des courtoisies que de respecter cela.
D’autre part, comme nous allons le voir tout de suite, apprendre par cœur demande un sacré boulot et beaucoup (trop) de temps d’assimilation parfois.
Et dans une vie d’artiste, souvent à 300 km/h, il n’est pas absurde de savoir faire preuve de pragmatisme !
Venons-en aux faits !
—-
Quatre principes essentiels
ou ce que les neuro-sciences ont à nous apprendre
Avant toute chose, il me semble intéressant de penser que la mémoire se travaille et se développe comme un muscle.
Cela veut dire que l’on peut progresser et qu’au-delà de certaines facilités (ou difficultés) de départ, on peut la pratiquer et la fortifier. De même, cela reste un « chantier » et on peut connaître des phases plus ou moins favorables.
Alors, courage !
#1. Identifier son type de mémoire dominant
Type de mémoire dominant, qu’est-ce à dire ?
Il existe plusieurs types de mémoires : celles qui vont nous intéresser principalement ici sont notamment les mémoires motrices et perceptives.
Certains ont une mémoire photographique – on dit « eidétique » ou absolue. C’est lorsqu’après avoir visionné la « page », la personne est capable de maintenir dans sa tête l’image mentale comme « imprimée ». (très impressionnant, ce n’est pas mon cas !)
Le chef d’orchestre Lorin Maazel en était, paraît-il, un exemple célèbre.
D’autres ont une mémoire visuelle sans qu’elle soit photographique. La pagination est mémorisée. On mémorise donc les tournes de pages et on développe des repères « géographiques », au point d’être déstabilisé à la lecture d’une autre édition de la même œuvre. (si si, c’est vrai !)
On peut parler aussi de mémoire tactile aussi appelée mémoire kinesthésique, en lien avec les sensations du contact cutané. Très intéressante celle-là pour les musiciens, par exemple, les doigts sur le manche, sur les cordes.
Bien sûr, chez les musiciens, beaucoup s’appuient en priorité sur leur mémoire auditive et motrice.
Allez savoir si c’est de l’inné ou de l’acquis !
Je laisse le soin aux scientifiques de se tordre les neurones sur le sujet. 👽
Pour ma part, je pense que le fait d’avoir débuté par la méthode Suzuki (où on débute uniquement par mimétisme et donc par mémorisation auditive) lorsque j’avais trois ans a sûrement induit la dominance de l’auditif dans mon organisation mentale.
Et il me semble intéressant d’identifier son type « premier » afin de « capitaliser dessus » notamment lors d’apprentissages rapides.
Cela sert également à cerner les autres aspects qui sont à développer ou renforcer.
Sans doute, cette séparation des types de mémoires ne rend de toute façon pas réellement compte de la complexité du processus neurologique impliqué. Il y a d’ailleurs aussi une mémoire que l’on pourrait appeler « affective ».
Il semblerait qu’au final, il s’agisse dans presque tous les cas d’une combinaison, d’une conjugaison des différents types de mémoire. La mémorisation relèverait donc d’un processus d’intégration. J’y reviendrai.
Disons déjà qu’il est utile d’associer et d’activer le maximum de « mémoires » possibles.
#2. « De la musique – et de la méthode ! –
avant toute chose »
Il peut sembler intuitif voire naturel de se dire qu’en répétant une pièce à haute dose, on finira bien par la connaître par cœur.
Pourtant ce n’est pas si simple.
Evidemment une (grande) part de répétition est indispensable. Mais attention ! ⚠️
Il faut dire que le cerveau est un drôle d’ordinateur. A la fois génial par certains aspects, et déprimant par d’autres. 💻
Car le cerveau est capable d’intégrer tout (ou presque), mais ce parfois, sans discernement. C’est-à-dire que si on répète une erreur plusieurs fois, sans faire attention, eh bien, l’ordinateur central, lui, veille et enregistre les données !
Donc si on ne « prend pas la main » sur la qualité de l’apprentissage, un logiciel défectueux se met en place – automatiquement.
Cela veut dire qu’il faudra ensuite désinstaller le mauvais programme ou « software » avant de pouvoir essayer d’installer le correct.
Croyez-moi, c’est aussi pénible que chronophage. Sachant que dans certains cas, pas moyen de désapprendre complètement une erreur de texte non détectée dès le début.
(vrai en musique…)
Donc, même si cela peut se révéler très frustrant à court terme, il est important de privilégier la qualité à la vitesse de l’apprentissage dès le début ! Indispensable de travailler « bien » tout de suite, de manière progressive et avec conscience au risque d’enregistrer des erreurs. 😭
Ah, que de choses à dire sur ce qu’on appelle la métacognition, « l’apprendre à apprendre » !
J’y reviendrai (Promis!!)
#3. Le travail mental – un outil hyper puissant
En plus de la répétition « mécanique » et digitale – méthodique (hein?! 👮🤓), il est capital de développer un travail mental. Ah ben, là encore, on est dans le domaine de la métacognition.
Cela se traduit dans le cas de la mémorisation aussi bien par un travail de compréhension profonde de la structure de l’œuvre que par des pratiques de visualisation pour se repasser dans sa tête le texte et les gestes, on pourrait dire la « chorégraphie ».
En effet pour intégrer une pièce de manière durable, il est essentiel d’en avoir compris la structure.
Souvent (avant 1945 en particulier), une œuvre musicale fonctionne sur des éléments de récurrence (on dirait « redondance » dans la théorie de l’information) . On peut ainsi saisir une organisation temporelle, une « forme » qui se dessine selon un principe analogie/différence.
Ainsi connaître profondément la forme permet de conscientiser les relations entre chaque partie du texte musical, d’en établir une carte mentale, une mindmap.
Une sorte de carte de la route où il convient de bien noter les bifurcations ! 🚫
Sous peine de refaire un tour du rond-point…désagréable lorsque l’on est sur scène !
Plus qu’un moyen mnémotechnique, la capacité à intégrer une image mentale claire de la forme, de savoir où on en est dans la pièce, permet de conscientiser des relations structurelles essentielles de la composition.
Cela permet aussi de « réduire » la quantité d’informations à gérer.
On pourrait dire de façon prosaïque qu’il n’y a plus qu’à remplir les cases.
Le compositeur Claude Debussy d’ailleurs, avec sa plume caustique, parlait de formes « administratives » pour évoquer les formes établies, par exemple la forme-sonate très employée dans la musique classique et romantique.
Avec le procédé de réduction, on peut arriver à percevoir la pièce qui va se dérouler dans le temps, dans la durée, de manière si synthétique qu’elle semble pouvoir être « contenue », « saisie » en un instant.
C’est ce dont parle le chef d’orchestre roumain Celibidache dans la « Phénoménologie musicale »
Bon, assez de philosophie, 🤕
parlons fitness !🏋
Ou plutôt, laissez moi parler d’une étude qui fera que vous ne mettrez plus jamais les pieds dans une salle de sport et que vous allez adorer travailler la musique loin de votre instrument.
Des études scientifiques ont montré que le fait de faire des exercices de fitness mentalement permettait de mobiliser aussi bien l’esprit que le corps et ce, de manière non négligeable.
D’où l’intérêt de visualiser et de travailler mentalement une pièce musicale.
Cela veut dire qu’ainsi, en parcourant mentalement une pièce musicale et en l’étudiant mentalement, on évite l’usure liée à un corps sur-sollicité par de trop nombreuses d’entraînement passées à l’instrument et, en même temps, les trajets neuronaux sont renforcés. De manière très efficace.
#4. Un processus dans le temps . Intégration entre inconscient et conscient
Facteur Temps
ou l’art de « laisser du temps au temps »
On pourrait se dire que dans la mémorisation le Temps est l’ennemi.
Et pourtant pour pouvoir permettre l’ancrage profond d’un texte, rien de tel que de prendre le temps…d’oublier et de re-apprendre, puis de re-oublier, puis…
Jusqu’à ce que l’ancrage soit tel, que le texte semble ancré à vie dans la mémoire.
Car la mémorisation est un processus d’intégration qui fait appel à un apprentissage profond.
Il est nécessaire de passer par toutes les phases du processus d’apprentissage habituel.
On peut distinguer quatre phases comme en PNL (programmation neuro-linguistique).
Pour autant, il me semble qu’il faut être capable de fonctionner à deux niveaux :
d’une part une hyper-conscience et d’autre part une intégration au plus profond de l’inconscient.
Vous vous souvenez quand je vous disais qu’il est essentiel d’avoir développé le plus de mémoires possibles.
Sur scène, on va souvent faire appel aussi bien à notre part inconsciente qu’à notre part consciente.
Un peu comme un pilote d’avion qui serait en pilote automatique parfois et à chaque instant capable de basculer en pilotage manuel. Et vice versa !
J’aime bien cette image sur le modèle de l’iceberg que l’on utilise souvent en psychanalyse pour décrire notre fonctionnement et nos comportements.
Pour la mémorisation, il faut donc arriver à créer des ponts entre conscient et inconscient, savoir que l’on peut se reposer par exemple sur une mémoire motrice si notre mémoire perceptive lâche ou si on a un « jour sans », des difficultés à se concentrer à cause de la fatigue par exemple.
Donc le fait d’avoir développé le maximum de mémoires va permettre d’avoir accès à de multiples soupapes de sécurité sur scène, en cas de turbulences ! ⛈
Vous l’aurez compris. Cette thématique est vaste, d’autant qu’elle contient selon moi un terrain étonnant de connaissance de soi.
Une chose fascinante est de voir que la pratique de la mémorisation permet d’entretenir ce muscle-mémoire et de travailler ce qu’on appelle la neuroplasticité.
Autrement dit, cela fait rester jeune, notre cerveau !
Et puis, il ne faudrait pas oublier qu’aussi bien en français qu’en anglais, on dit justement jouer par cœur (by heart)!
Quelle belle expression !
Alors oui, il faut avoir le cœur bien accroché pour jouer de mémoire sur scène, mais surtout jouer avec son cœur.
Souvenez-vous de la magnifique phrase du compositeur Robert Schumann :
👓
« Mais qu’appelle-t-on être musicien ? tu l’es, si (…), dans un morceau que tu connais, tu le sais par cœur, – en un mot, si tu as la musique non seulement dans les doigts, mais encore dans la tête et dans le cœur. »
La suite – la semaine prochaine.
Je vous montrerai comment mettre ces principes en action et vous donnerai des techniques et astuces efficaces pour mémoriser !
🎬
Partagez et diffusez cet article s’il vous a plu et surtout venez discuter avec moi dans les commentaires !
#6 - Profession musicien. Peut on vivre de la musique ?
Une histoire de travail, feu sacré et... de chiffres 🤓🔥🔢
Cette semaine j’ai envie de vous parler du métier de musicien. Métier au sens de profession.
En effet, quand on ne vient pas d’une famille de musiciens, le fait que l’on puisse faire de la musique son métier ne semble pas couler de source.
Il faut dire qu’il y a quelques clichés ou malentendus à déconstruire.
Plusieurs de mes collègues partagent d’ailleurs la même histoire d’après-concert, où après avoir été félicités par un membre du public, enthousiaste, on leur demande :
« Et sinon, vous faites quoi comme métier dans la vie ? »
Si, si ! Véridique ! 😅
Quand on vient d’une famille de non-musiciens
c’est mon cas. Mon père est médecin, ma mère infirmière a arrêté de travailler à ma naissance. Aucun des deux n’a pu pratiquer la musique, ils sont mélomanes.
Il peut être difficile d’imaginer la réalité de la vie de musicien et encore plus, les possibilités d’en vivre. On peut être loin d’imaginer qu’être musicien puisse être une occupation à plein temps et aussi un moyen de gagner sa vie, économiquement. 💵
Au-delà des fantasmes et de la passion de la musique, c’est souvent l’inconnu.
Et cela peut être anxiogène pour des parents qui souhaitent assurer un futur le plus « sûr » possible à leurs enfants. 😱
Récemment une maman d’une jeune harpiste de 17 ans me confiait ses doutes quant à l’orientation professionnelle de sa fille après le Bac.
Fallait-il laisser sa fille poursuivre dans la musique ou essayer de la « raisonner » à faire des classes prépa ?
⁉️
Est-ce à dire que devenir musicien professionnel ne serait pas un choix raisonnable ? 🤓
Sans vouloir noircir le tableau, le parcours peut sembler semé d’embûches et bien incertain. Cela commence par la formation qui coûte cher – en temps et en argent – entre cours particuliers, achat d’instruments, discipline de la pratique : un parcours du combattant pour l’enfant comme pour les parents ?
Et les perspectives de débouchés ne seront pas systématiquement à la hauteur de l’investissement. Les chemins qui mènent à « percer » semblent bien mystérieux.
On sait que pour les solistes, il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. De même la compétition est rude dans les auditions d’orchestre. Selon les instruments, les débouchés peuvent sembler limités, notamment ceux qui ne font pas partie de l’orchestre…
Et on ne cesse de pointer du doigt une conjoncture difficile aujourd’hui. On parle de crise de la musique classique en quête de son public et aussi de la baisse des subventions et aides publiques, avec une logique de mécénat encore peu développée.
Angoissant, n’est-ce pas ? 👻
En même temps, il n’est pas rare d’entendre dire :
« Quelle chance vous avez d’être musicien! Vous vivez de votre passion. Ce n’est donc pas du travail, ce n’est que du plaisir ! »
Alors,
… Musicien, un travail ?
ou la différence entre amateurs et musicien pro
De manière provocatrice, on pourrait dire que les amateurs sont ceux qui aiment vraiment la musique ! 💘
Etymologie et association d’idée trop simpliste, peut-être.
Mais il est vrai que le fait d’avoir une relation « désintéressée » à la musique – désintéressée au sens kantien du terme et au sens de gratuité – permet de préserver un amour intact de la musique.
Faire de la musique juste pour l’amour de l’art et pour son plaisir propre, sans enjeu…économique !
Certes, on peut penser à la citation célèbre de Confucius :
« Choisissez un travail que vous aimez
et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie. »
Pourtant que faire les jours où l’on n’a pas envie de jouer, où l’on se sent trop fatigué pour monter sur scène, où les conditions de concert ou de travail ne sont pas bonnes (plein-air peu adapté, mauvaise acoustique, longs voyages) ou quand le corps a mal ?
C’est dans ces moments que rentre en jeu le professionnalisme. Être musicien pro ne relève pas du hobby ou même de la passion inconditionnelle. Car il faut « assurer ».
Lors des jours « sans », il n’y a pas de doute.
Alors, bien sûr, il y a aussi les moments de grâce sur scène, des rencontres passionnantes, des collaborations magiques, des répétitions galvanisantes, des salles sublimes, des sessions d’enregistrement où on se dépasse, des œuvres qu’on a rêvé de jouer enfant. 🌟
Et là, on se dit qu’on a une chance incroyable d’être payé à faire ce que l’on aime par dessus tout. 🙏
Musicien,
vocation et feu sacré 🔥
D’ailleurs,choisit-on consciemment la musique comme métier ou bien devient-on juste musicien?
Beaucoup de collègues, issus de familles de non-musiciens en particulier, partagent l’expérience de ne pas avoir vraiment eu conscience des enjeux de professionnalisation avant la fin de leurs études.
Souvent un certain talent est repéré et si la motivation – le « feu sacré » – se manifeste, il y a une sorte de vocation – là encore, au sens étymologique, un « appel » à suivre la voie. 🔥
On adore la musique par-dessus tout et donc logiquement on va vouloir « continuer ».
Et parfois, ce n’est pas le choix le plus pragmatique. Le « test » de motivation extrême est d’ailleurs de se demander si l’on peut vivre sans.
C’est en somme ce que recommande Rilke dans ses célèbres Lettres à un jeune poète . De préférence, se poser la question au milieu de la nuit…🌙
Ne pas pouvoir faire autrement, voilà la condition de la vocation, celle qui pousse à s’engager totalement et à persévérer au travers des épreuves.
On pourrait dire que c’est une vision assez romantique de la chose.
Cela dépend beaucoup du milieu d’où l’on vient…
Car il faut pouvoir se permettre de ne pas (trop) penser à la professionnalisation pendant ses études. Avoir des parents qui soutiennent, obtenir des bourses ; certains se dépêchent d’obtenir des postes pour assurer leurs arrières et être indépendant financièrement dès que possible.
Le statut du musicien :
imaginaire et sociologie
Il faut dire que selon les pays et les époques, être musicien représente soit un idéal absolu soit …un symbole de décadence.
Dans le Jeu des perles de verre de Hermann Hesse (un de mes livres favoris), la musique est la discipline ultime. Être musicien s’assimile à un sacerdoce, une pratique monastique dans un cadre protégé, hors du monde, la Castalie.
Chez Thomas Mann, dans les Buddenbrooks, être artiste-musicien, c’est une forme de décadence face à la bourgeoisie. Mann oppose l’artiste au bourgeois qui fait des affaires et maintient le patrimoine familial. Bien sûr les choses sont complexes pour Mann lui-même…
Et je ne parle pas de l’imaginaire (bien réel parfois) de l’artiste maudit, du compositeur sans le sou et du musicien errant. Il est intéressant de noter tout de même que, dans l’inconscient collectif, musique et argent ne font pas souvent bon ménage. N’est-ce pas ? 🎶💵
Faire médecine, faire son droit peut sembler nettement plus rassurant. Soit pour maintenir un niveau social bourgeois soit pour permettre une ascension sociale.
Avec la musique, l’ascension espérée est peut-être plus d’ordre symbolique et culturelle.
Mais bon, encore une fois, tout cela dépend…
On pourrait dérouler aussi l’histoire de la professionnalisation des musiciens à travers les siècles : des musiciens attachés à la cour jusqu’à la constitution d’orchestres philharmoniques; des castrats, chanteurs « vedettes » aux virtuoses célébrissimes tels que Liszt ou Paganini au XIXe siècle jusqu’aux « stars » de l’âge d’or du disque vinyle puis du CD, de la mise en place d’une vraie industrie de la musique jusqu’aux réseaux sociaux !
Il y a aussi de différences sensibles entre les pays selon la place de la musique classique en général dans la société. Par exemple en Asie, la musique classique est très valorisée comme au Japon, en Corée du Sud.
Un autre exemple frappant dans la valorisation du métier de musicienselon les pays : les postes de professeurs de musique dans les Hochschule en Allemagne (les Conservatoires supérieurs de musique) sont nettement mieux rémunérés qu’en France. Et le statut social qui est associé au titre de professeur y est incomparable.
Un poste de professeur en Hochschule en Allemagne est indexé sur des côtes de salaires de fonctionnaires. Un professeur avec une W3 (la côte la plus haute) part sur une base salariale de 6.000 ou 6.500€ bruts/mois selon les Hochschule.
Là où un professeur au CNSM de Paris ne visera pas plus de 3700€ brut/mois.
Bien sûr, c’est juste pour donner un ordre de grandeur car cela est à pondérer. La charge de travailcorrespondant à ces salaires n’est pas la même (nombre d’heures) et en Allemagne, le Professeur participe à la vie administrative de l’école.
Les débouchés
Alors, oui. On peut gagner sa vie avec la musique.
Et même, bien parfois ! 😅
On peut gagner sa vie en étant soliste, chambriste (par exemple quartettiste). Dans ces cas-là, la rémunération se fait au cachet selon les engagements avec parfois l’intermédiaire d’agents, qui prennent souvent entre 10 et 20% du cachet négocié.
C’est un marché de l’offre et de la demande, un marché dérégulé.
Pour vous donner une idée, on voit tous les extrêmes : les cachets peuvent aller du simple défraiement à 100.000€ voire 250.000€ par concert. Mais là, je vous parle plutôt de « super-stars » comme Lang Lang ou Anne-Sophie Mutter.
Pour un même artiste, le même type de prestation, selon le lieu, la jauge de la salle et plein d’autres facteurs, on peut être payé de 1 à 10 fois le prix.
L’artiste-musicien freelance 2.0 se doit d’être un entrepreneur et apprendre à négocier ses cachets.
Il existe le fameux statut d’intermittent du spectacle qui est un régime qui répond aux spécificités des métiers du spectacle. Entre deux concerts où on est engagé sur un CDD, l’intermittent est indemnisé par l’Assurance-chômage. Le statut n’est pas toujours simple à obtenir. Il faut pouvoir justifier de 507 heures travaillées sur 12 mois ou 43 cachets.
Non, je ne vous en dirai pas plus… Je vous laisse lire https://www.journaldunet.fr/management/guide-du-management/1200121-le-statut-de-l-intermittent-du-spectacle/
Il y a aussi les revenus générés par l’enregistrement.
N’allez pas croire que la plupart de musiciens vivent de leurs « royalties ».
Il existe des systèmes de redistributions et un cadre juridique complexe qui vise à une « rémunération équitable ».
Pour les copies privées sonores, la répartition est de : 50% pour les auteurs, 25% pour les interprètes et 25% pour les producteurs. Pour les copies privées audiovisuelles, 33% pour les auteurs, 33% pour les interprètes et 33% pour les producteurs.
Ah, ce bonheur administratif ! 😱
Il y a aussi les postes fixes qui assurent une stabilité de revenus et un rythme de vie potentiellement plus stable, que ce soit dans l’enseignement ou avec un poste d’orchestre.
Les rémunérations des enseignants dans des structures relevant du public (Conservatoire de région, conservatoires de la ville de Paris…) sont indexées sur les échelles correspondantes aux statuts (fonctionnaires ou autres).
Il existe des conventions collectives qui définissent l’ensemble des conditions d’emploi, de formation et de travail, ainsi que les garanties sociales des employés.
Quelques exemples pour vous donner un ordre de grandeur.
Pour les entreprises de secteur privé du spectacle vivant :
Pour la convention collective nationale des entreprises artistiques et culturelles :
Je vous renvoie à l’excellent article sur le site de la philharmonie de Paris. 👉
Souvent les musiciens ont des pratiques mixtes et développent une certaine polyvalence. Il n’est pas rare de voir des musiciens d’orchestre enseigner et se produire dans des festivals. Ou bien, des solistes enseigner.
Pour autant, le cumul d’activités est réglementé.
Beaucoup de combinaisons sont possibles pour répondre aussi bien à des aspirations artistiques qu’à des besoins économiques. Certains préfèrent la régularité d’un poste fixe, d’autres la liberté de la vie de free-lance. Chacun selon son tempérament.
On peut aussi voir le cas de pluriactivité. En effet, au-delà de la pratique musicale comme interprète il existe une étonnante variété des professions liées à la musique dans lesquelles exprimer d’autres facettes, élargir ses activités ou éventuellement se reconvertir : que ce soit directeur artistique de festival, régisseur d’orchestre, journaliste, musicologue, chargé de production dans une maison de disque, action et médiation culturelles…
Être musicien,
…plus qu’un métier ‼️
Alors, a t’on des garanties quand on s’engage dans cette voie professionnelle ? Eh bien, non. Moinsque dans certaines filières ? Peut-être…
Quoique ?
Est-ce vraiment plus rassurant se suivre une filière plus traditionnelle ? Est-ce que les autres domaines sont moins compétitifs et plus épanouissants ?
C’est vrai que l’on parle souvent de carrière dans la musique aussi.
Mais ce qu’on oublie souvent de dire, c’est que le chemin est long avec la musique.
Il n’y a a priori pas de limite d’âge pour jouer, tant que le corps fonctionne – à la différence des danseurs ou des footballeurs.
Regardez le grand Nathan Milstein. 👉
Et l’enjeu, c’est – au-delà d’un métier – de tracer son chemin, de grandir avec un instrument, avec les œuvres – autrement dit, de durer.
Donc vivre de la musique, c’est aussi un développement de toute une vie.
Musique :
passion, vocation ou profession ? 🔥💘💀
Oui, la musique peut être un métier. Il y a un aspect économique. Il y a aussi l’aspect de labeur, d’exercice, de quotidienneté de la pratique. Donc métier, comme remettre chaque jour sur le métier son savoir-faire.
C’est aussi un travail, un job. Une profession – aussi comme une profession de foi. Une pratique de dépassement de soi.
On pourrait dire aussi que c’est un métier-vocation.
J’aime beaucoup le fait qu’en allemand il y ait un lien étymologique si clair entre Beruf (métier, profession) et Berufung (vocation).
Faire de sa vocation sa profession ?
Une contradiction, parfois…
Une bénédiction, souvent !
🎬
Partagez et diffusez cet article s’il vous a plu et surtout venez discuter avec moi dans les commentaires !
#5 - La santé du musicien (2e partie) ou l’histoire de pieds et de mains… en passant par le pouce de César
Cette semaine je reprends la thématique de la santé du musicien dont j’ai commencé l’exploration lors de mon dernier article.
Santé physique… et mentale
Bien sûr après avoir annoncé le thème la semaine dernière, je me suis tout de suite lancée sur la santé physique. Mais comme le précisait avec grande justesse Anthony en commentaire, cette thématique est indissociable de la santé mentale.
Vous vous souvenez peut-être, dans l’article consacré au « trac », je vous parlais déjà de la relation entre le corporel, l’émotionnel et le mental. Parfois, l’enjeu de la santé du musicien se décline de manière indéniablement psychosomatique.
Mauvaise nouvelle : je n’ai pas fini de décliner les challenges de la vie de musicien pour sa santé.
Car certes, la musique est à consommer sans modération. 🍷
Mais on peut se demander si être musicien ne nuirait pas parfois à la santé!
Un rythme (de vie)… d’enfer 👹
Aux challenges liés au corps très sollicité du musicien que nous avons déjà vus, s’ajoute un aspect à ne pas sous-estimer : un rythme de vie parfois effréné.
Les musiciens ne sont pas en reste face à la thématique généralisée de nos sociétés qu’est le burn-out.Sans aller jusque là, il n’est pas rare que les musiciens alternent des phases d’activités irrégulières et le surmenage guette lors de tournées très intenses, où on dort chaque soir dans un hôtel différent, où les voyages se succèdent.
Entre trains et avions, on ne sait littéralement plus où on habite, ni dans quelle ville on décolle ou atterrit. Les nuits sont aussi souvent trop courtes après les concerts pour permettre une bonne récupération physique.
L’art des pauses⏱🏃
Dans cette course contre la montre, il est rare d’arriver à « prendre le temps » de faire des pauses après avoir joué, de faire des gestes nécessaires qui vont permettre de rééquilibrer le corps, compenser les asymétries ou les déséquilibres que nous avons créés et entretenus en jouant.
Il serait pourtant important de « sortir l’instrument de son corps », de se « démouler ».
Il n’est pas rare de voir un violoniste continuer à « porter » virtuellement son instrument sur l’épaule gauche, même lorsqu’il marche dans la rue.
Facteur aggravant : il n’est pas dans les cultures des musiciens de faire des pauses. Souvent porté par la musique, on se laisse … emporter. Et il est bien connu que quand on aime, on ne compte pas…
Et puis, le mental, toujours le mental. A cela s’ajoute les tensions musculaires qui viennent faire écho à une attitude volontaire. Dur d’intégrer le « Less is more » dans sa pratique…
La pratique sportive 🏃🚴🏊
Un autre obstacle lié au rythme de vie irrégulier et aux déplacements fréquents, est le fait de ne pas arriver à installer une pratique sportive régulière. Et là, je parle en connaissance de cause.
J’avoue, certains de mes collègues y arrivent de manière remarquable. Je les admire ! 👏
Car non seulement, un musicien a besoin de s’étirer, de développer sa conscience corporelle mais aussi d’avoir une sacrée endurance pour avoir le souffle et être capable de tenir dans de longs programmes très physiques.
Le jetlag 😴😱
Et je ne préfère même pas aborder en détail la gestion du jetlag, sujet qui pourrait faire à lui tout seul l’objet d’un article !
Par exemple, il m’est arrivé de jouer le Concerto de Brahms ( 40 minutes de musique de haute densité musicale et de haute voltige – épreuve d’effort comme disent les cardiologues ! ) le surlendemain de mon arrivée au Japon pour un concert programmé à midi.
Ce qui voulait donc dire qu’il était 6 heures du matin pour mon horloge interne.
Un sacré challenge physique et mental ! 😨
Quand lever le pied…
n’est pas de tout repos
Un autre cas où il est impossible de bien « doser » son travail et où on peut y laisser des « plumes »,est le remplacement au pied levé. Quand par exemple, un soliste programmé doit annuler quelques jours ou même quelques heures avant un concert, il faut le remplacer en dernière minute.
J’avoue, j’ai toujours adoré cette expression…étrangement visuelle. Comme si on allait finir par jouer sur scène avec un pied en l’air. 😅
Pas si absurde, en fait, si on pense à l’intensité de ce genre de préparation en quatrième vitesse où on a effectivement l’impression d’avancer sur un fil. Funambulisme musical…
La tétanie de Wagner
Un cas de figure qui me vient comme exemple de corps de musicien mis en danger, c’est celui du musicien d’orchestre qui va jouer pendant quatre à cinq heures un opéra de Wagner. Au violon par exemple on trouve de longues pages d’arpèges injouables et de trémolos.
Le trémolo, c’est cette technique d’archet où on frotte la corde dans un mouvement très rapide, cela produit l’effet d’un tremblement, d’où le nom !
Le bras de l’archet risque d’être tétanisé par les mouvements de tremblements répétés sur une durée…inhumaine.
Les compositeurs et les interprètes: une relation amour-haine 🎼💞
D’autres situations peuvent être extrêmes telles que le fait de devoir apprendre une pièce très rapidement, dans un temps record. Par exemple lors d’une création de pièce contemporaine, il n’est pas rare que le compositeur tarde à « rendre sa copie ».
Ah, les compositeurs… !
Alors on doit apprendre en catastrophe une partition parfois à la limite du jouable la veille du jour J., le jour de la création.
La création (on dit die Premiere en allemand), c’est le concert où la pièce sera exécutée en public de manière officielle pour la première fois.
Grosse responsabilité, où on dépasse ses limites et on sacrifie des heures de sommeil et les fameux temps de pause dont le corps aurait besoin… État d’urgence ! 😱
Beethoven, Rachmaninov et les autres …
Il faut dire que les compositeurs ont parfois eu peu d’égard par rapport aux interprètes et à leurs limites techniques et donc… physiques.
Je pense à Beethoven qui disait au violoniste Schuppanzigh qui se plaignait de la difficulté d’un quatuor :
« Croyez vous que je pense à vos misérables cordes, quand l’Esprit me parle? »
Au XIXe siècle, avec le développement de la virtuosité instrumentale autour de Liszt au piano et Paganini au violon, même combat.
Le virtuose est presqu’un héros qui doit vaincre et laisser quelques gouttes de sang sur scène.
Je ne résiste pas à partager ici avec vous le fameux sketch sur le pianiste-compositeur russe Rachmaninov (1873-1943) intitulé « Rachmaninov had big hands »
En vrai, l’écriture de Rachmaninov peut être une torture pour des pianistes n’ayant pas des mains de géants…
Et puis au XXe siècle, la virtuosité passe justement par une exploration voire une explosion de plusieurs paramètres. Le corps de l’instrumentiste est vraiment mis à contribution de manière parfois radicale.
Bon, assez pour cette fois !Je poursuivrai (peut-être) un peu d’histoire de la musique une prochaine fois. 🤓
Revenons à … 🐑🐑🐑
notre corps de musicien !
Vous vous souvenez de ma question à 1000 euros de la semaine dernière ?
>> D’où part le pouce ?
Et bien, oui. Raphael Maillet, c’est là où je voulais en venir !
Il est important de comprendre que la base du pouce n’est pas là où le doigt semble rejoindre la paume de la main mais bien qu’il va jusqu’à la jonction du poignet et donc qu’on peut dénombrer trois os.
Il est vrai que selon les ouvrages, on trouve différentes formulations quant aux phalanges. Je vous mets ci-dessous un schéma que je trouve très parlant quant à lamobilisation du pouce.
Ce schéma est d’ailleurs extrait d’un livre remarquable intitulé « What every pianist needs to know about the body » de Thomas Mark. GIA Publications, p.95
Du Pouce de César …
au body-mapping
Alors, oui. Le pouce est essentiel dans notre capacité de préhension, c’est-à-dire notre capacité à saisir des objets …comme un stylo, ✍️une banane ou un archet par exemple.
C’est d’ailleurs une de nos spécialités communes, nous et les primates ! 🙈
Alors, vous me direz : quel est le rapport avec le pouce de César ?
Tout d’abord, laissez moi préciser que je ne vous parle pas du pouce de César, l’empereur. Le pouce qui se lève vers le haut 👍ou vers le bas pour décider du sort des gladiateurs dans l’arène : non, Facebook n’a rien inventé avec le Like !
Mais je vous parle du pouce du sculpteur marseillais César Baldaccini, dit César.
Imaginez vous que j’ai vu cette sculpture imposante, toute mon enfance sur le rond-point de Bonneveine à Marseille. Et donc, depuis petite, mon« imaginaire » du pouce, est faussé ! Puisqu’on a l’impression que le pouce part de la phalange Nr.2.
Je n’irais pas jusqu’à dire que César a une responsabilité dans le fait que longtemps j’ai porté en moi une conception fausse de l’anatomie du pouce…
quoique 🤔
Et là, vous vous dites, comme les deux vieux du Muppet Show:
Et bien, le pouce a un impact énorme sur la tenue d’un archet par exemple, pour le jeu d’un pianiste, sur la manière de taper au clavier (de piano ou d’ordinateur d’ailleurs !!).
Le fait d’imaginer que l’on tient un objet à partir du poignet ou seulement de la 2e phalange peut être une source de tension musculaire extrême.
🗺🌎
De plus cet exemple, je le prends pour aborder ici un concept que je trouve fascinant : le « body-mapping ».
Le body-mapping, c’est le fait de définir une cartographie intérieure de notre corps et ce, à travers notre perception propre, nos sensations et un imaginaire intériorisé, parfois conscientisé ou non.
En français, on utilise aussi souvent des mots tels que proprioception et kinesthésie.
Bon…gardons body-mapping pour l’instant !
On pourrait dire qu’il sous-tend toutes les méthodes qui permettent de développer une meilleure conscience corporelle, méthodes que j’ai citées dans mon article précédent, que ce soit le yoga, la technique Alexander ou l’Antigym.
Je vous en dis plus la semaine prochaine !
🎬
D’ici là, belle méditation sur le pouce ( geeks inclus ) et portez-vous bien 👍
Partagez et diffusez cet article s’il vous a plu et surtout venez discuter avec moi dans les commentaires !