Artistes Festival Musique de chambre

#2 Le festival de musique de chambre…

#2 - Le festival de musique de chambre ou l’histoire d’un ver dans l’oreille 🐛

Cette semaine, me voici tout juste rentrée du Leicester International Music Festival, avec des étoiles dans les yeux (un peu rougis de fatigue aussi), avec des souvenirs de moments forts de partage et d’amitié, et surtout avec plein de musique en tête.

Une musique qui continue à résonner dans mes oreilles, des thèmes qui circulent et deviennent obsédants (par exemple des petits motifs rythmiques du Quatuor américain de Dvorak!). Ne dit-on pas en allemand pour un thème qui reste coincé dans notre mémoire, « Ohrwurm », en traduction littérale cela donne « un ver dans l’oreille » ?

 

Bref, chargée de toutes ces impressions et souvenirs divers, j’aimerais me poser ici, vous raconter quelques moments forts du Leicester Festival 2018 et partager avec vous quelques réflexions plus générales sur les festivals de musique de chambre.

 

Car souvent lorsque l’on évoque les coulisses d’un festival, on pense à l’organisation – miraculeuse parfois, à la recherche de financements – ardue souvent, à la coordination d’un groupe de bénévoles – indispensable et merveilleuse force invisible ! Mais ce dont j’aimerais vous parler en particulier, c’est de l’expérience du festival depuis le point de vue du musicien. Expérience qui relève parfois d’un grand-huit – musical et émotionnel, de vraies montagnes russes.

Un « bain » de musique 🎼🎹🎻🚣

Les festivals de musique de chambre sont un cadre et un moment particulier dans le panorama des différents concerts de musique classique.

 

Ils représentent un certain type de festivités, un « bain » de musique souvent centré autour d’une thématique et réalisé par un groupe restreint de musiciens qui se retrouvent sur une période limitée et intensive pour préparer le répertoire programmé. Une situation de huis-clos festif.

 

Certains musiciens adorent cela et ne vivent que pour ces moments – ce sont des inconditionnels du genre ; d’autres les détestent littéralement et refusent de se plier aux règles d’un jeu bien spécifiques. Vous vous demandez peut-être dans quelle catégorie je me range ? Probablement, je fais partie d’une troisième sorte. J’adore les festivals de musique de chambre – mais sous certaines conditions.

 

En effet, il me semble que pour qu’un festival de musique de chambre soit réussi et satisfaisant, il est nécessaire que des paramètres précis soient réunis. Selon moi, tout dépend du « casting », de la programmation et des conditions de travail. Equation … à plusieurs inconnues et très subtile.

Immersion : entre zen et adrénaline

Ce que j’adore et qui me semble unique dans les festivals de musique de chambre, c’est l’aspect d’immersion. Il faut dire que souvent la quantité de répertoire à jouer est énorme, et les concerts s’enchaînent en peu de temps. Et de cette pression temporelle naît parfois la sensation de faire de la musique en temps réel.

 

L’immersion dans une thématique, le fait de brasser beaucoup de la musique d’un même compositeur ou d’un même genre donne l’impression de pratiquer un idiome bien particulier et de pouvoir à la fin du séjour parler cette « langue » couramment.

Et puis, on rencontre ou on retrouve des collègues musiciens avec lesquels on peut passer de longues heures à jouer, à discuter, à « essayer » – chose rare dans un planning annuel où chacun court après un avion ou un train différent.

 

Pendant le festival se crée une vraie bulle de travail, chacun allant de répétition en répétition. Souvent il se produit une vraie déconnexion d’avec la réalité bien agréable (on peut passer à côté de « news » importantes, oublier des questions d’intendance et surtout être déchargé de tâches quotidiennes).

 

Ceci se déroule dans un mélange étonnant d’intensité extrême et de concentration maximale. Intensité car il faut souvent se surpasser quitte à frôler la surchauffe. Concentration car tout nous ramène à l’instant présent. On pourrait même parler de qualité zen, on est dans l’hic et nunc, l’ici et le maintenant, uniquement occupé à faire ce que l’on fait. Le rêve, en fait…

 

Vous vous souvenez… être dans la musique, rien que dans la musique.

Challenges

Pourtant le chemin jusqu’à la scène est parfois semé d’embûches.

  • 1er challenge : maîtriser le répertoire

Il y a d’abord le challenge lié au répertoire qui peut se résumer dans une dialectique entre nouveau et ancien, autrement dit, entre pièces du grand répertoire, parfois « trop » jouées ou bien, pièces rarement jouées, au risque d’être « trop fraîches ».

Le nerf de la guerre, c’est bien sûr d’avoir suffisamment de temps pour dans le cas des pièces du grand répertoire, repenser ensemble une interprétation commune, se mettre d’accord sur les orientations stylistiques, les tempi, les « ambiances », le message…soit, dans le cas des pièces peu souvent jouées, de construire de toutes pièces une interprétation cohérente et aboutie.

Il est impossible de savoir à l’avance si cela va être une foi s comme les autres ou bien si la magie va opérer : le but étant que que la pièce semble jaillir comme neuve.

Personnellement j’aime beaucoup découvrir de nouvelles pièces. Cela nous fait ressentir la responsabilité de l’interprète comme médiateur entre le compositeur, la partition et le public. Et cela crée un vrai espace de liberté dans l’interprétation et dans la lecture du texte – un peu comme si on faisait une « création », une « première ».

J’aime aussi beaucoup les formations inhabituelles, quand les cordes se mêlent aux vents par exemple. Cela permet de sortir des habitudes de sa « corporation ». En tant que cordes, on « respire » plus et on s’inspire des sonorités.

  • 2e challenge : le casting ou l’art du team-building

A la différence des récitals ou concerts donnés par des groupes constitués (trios avec piano, quatuors à cordes, ensembles à géométrie variable), le festival mise sur la rencontre occasionnelle d’artistes venant parfois d’horizons très divers.

Un peu comme une équipe de foot formée le temps d’une sélection pour un match amical ! ⚽️

Les « all-star games » ne sont pas toujours une garantie artistique. 😉

Créer une unité en si peu de temps relève parfois du casse-tête chinois qui ferait pâlir n’importe quel chargé de ressources humaines !

Evidemment cet aspect est très stimulant car cela vient exclure toute forme de routine ou de confort qui peut se créer du fait de toujours jouer avec les mêmes personnes. On se découvre de nouvelles facettes et on développe une capacité d’adaptation.

Dans des cas difficiles, on peut parler de sens du compromis. Mais souvent, il s’agit plutôt de rencontre qui produit une vraie richesse dans les interprétations.

  • 3e challenge : Écoles et transculturalité
    melting-pot
    (🇫🇷/🇱🇷/🇬🇧/🇩🇪)

Ces rencontres musicales sont parfois l’expression de différences culturelles profondes. On est en plein dans la question de l’interculturalité ou de la transculturalité.

En effet, on entend souvent qu’il n’y a plus d’écoles nationales avec un monde globalisé, avec la diffusion de la musique sur le net (Youtube et autres).Et pourtant il est fascinant d’observer que dans ce type de contexte, ce sont juste ces spécificités qui ressortent. Sans céder à la tentation de réduire les différences à des clichés, on note des affinités particulières et des centres d’intérêt marqués.

Par exemple, en tant que musicien européen, il est très instructif de jouer avec des musiciens formés aux Etats-Unis. Il y a clairement des différences dans l’attention portée à la projection du son, à la quête d’une unité dans le groupe ou à la préservation d’une qualité de son constante quelle que soit le type d’expression musicale. On observe aussi des différences dans la relation aux styles, à la lecture du texte ou même dans la relation à la scène, « performer ».

Je pourrais d’ailleurs développer cette question sur ces différences entre francais et allemand ou anglais. Cela fera l’objet d’un post à part entière !

Cela se traduit aussi par des « standards » ou des attentes parfois divergentes sur la préparation et la conception du professionnalisme. Professionnalisme qui pour certains se traduit par apprendre vite sur place, pour d’autres par préparer en amont.

En résumé, chacun amène son package, son background. On pourrait dire qu’un groupe de musiciens en festival est finalement un melting-pot qui, quand la mayonnaise prend et que l’alchimie opère, produit des merveilles !

La communication (non) violente en répétition

Leicester Festival 2018 Répétition
Leicester Festival 2018

Du fait de ces différences culturelles et de ces rencontres ponctuelles, un des véritables enjeux de la formation d’un groupe qui fonctionne selon moi, va être la communication.

 

En effet, avec des partenaires habituels, souvent on finit par parler un même langage, on n’a plus besoin de prendre de détours pour faire une suggestion. On peut « y aller » sans avoir peur d’offenser.

 

Dans des situations parfois stressantes de répétitions en festival, quand on court après le temps et que l’on ne se connaît pas bien, il peut être difficile de « s’entendre ». Sans parler du fait que le huis clos propre au festival n’aide pas toujours à prendre la distance nécessaire. Une vraie expérience d’humilité et de développement personnel où on se dit que « l’enfer, c’est les autres »… ou le paradis : tout dépend !

To drink or not to drink …🍷

Heureusement pour dénouer les tensions passagères, il y a les repas partagés, les soirées où l’on passe plus de temps à échanger, à se confier, ou de manière plus légère à se raconter des potins. Une forme d’intimité qui permet de faire connaissance à travers la musique et en-dehors.

Mais attention, car là aussi, il faut bien gérer son énergie et quelque fois, il est dur de décider entre poursuivre une conversation passionnante ou aller recharger ses batteries pour la longue journée qui nous attend. Sans parler de la question cruciale qui se pose parfois : to drink or not to drink !

Soirée Festival

Un pour tous, tous pour un… ou l’instinct de survie sur scène

Car même si les moments en amont sont essentiels à la qualité de l’expérience du festival, il y a une capacité à se fédérer qui survient au moment de la scène. On pourrait parfois parler d’un quasi instinct de survie sur scène, où une sorte de trêve se produit. Chacun dépasse des questions d’ego, peu importe les désaccords sur tels tempi ou directions à donner à tel phrasé; au moment T, chacun est connecté avec une sorte de sixième sens pour que cela fonctionne pour cet instant.

 

Il faut dire que l’influence du directeur artistique est grande sur l’esprit donné au groupe. Beaucoup de choses se jouent déjà dans le casting et dans la confiance que le dénominateur commun entre les musiciens sera l’amour profond de la musique et des choses bien faites. Partage de valeurs entre artisanat, curiosité et esprit d’ouverture.

Leicester 2018 : « vachement bien ! »

Cette année à Leicester, le groupe de musiciens était différent des trois années précédentes car plusieurs collègues britanniques, habitués du festival, ne pouvaient malheureusement pas être présents.

La rencontre avec les musiciens américains invités aura été très stimulante. J’ai d’ailleurs appris plein de choses auprès d’eux cette semaine, que ce soit des détails techniques ou des manières d’aborder les répétitions. Il n’y a pas de fin au développement de l’artisanat qu’est la technique instrumentale !

 

Et c’était un immense plaisir que de retrouver des partenaires habituels, comme Nicholas Daniel, oboiste anglais dont l’émotionnalité et la sonorité sont incomparables ou Katya Apekisheva, merveilleuse pianiste d’origine russe avec laquelle j’ai joué la 2e Rhapsodie de Bartok, une pièce chère à mon cœur car je l’ai étudiée sous la direction du compositeur hongrois Gyorgy Kurtag lors de mes études au CNSM de Paris.

Leicester Festival 2018 Répétition

Un autre moment mémorable a été de jouer une pièce de Martinu avec thérémine. Si,si ! Vous savez, cet instrument électronique inventé en 1919. Le thérémine est ce qui se rapproche le plus d’un tour de magie puisque le son est produit sans que l’instrument ne soit touché, un « sans contact » insensé à observer car l’instrumentiste fait des gestes fascinants.

Regardez plutôt ca :

👉 https://www.youtube.com/watch?v=w5qf9O6c20o

C’était également passionnant de travailler avec la compositrice américaine Thea Musgrave qui depuis ses 90 ans dégageait une vitalité impressionnante et arrivait à insuffler vie à chacune de ses œuvres lors des répétitions. Elle nous a expliqué, épaulée par son mari, le contexte, « l’histoire » derrière chaque séquence musicale. Thea a d’ailleurs étudié à Paris auprès de Nadia Boulanger. Ce qui explique que lorsque notre manière d’interpréter lui plaisait, elle me disait :

« Voilà, c’est vachement bien ! » 🙂

Leicester Festival 2018 Thea Musgrave

Le blues post-festival : … en route vers la suite !

Alors oui, le festival de musique de chambre, c’est le summum de l’art de l’éphémère.

Une fois la semaine terminée, chacun repart dans ses pénates ou vers son prochain engagement. La bulle éclate et c’est souvent un retour à la réalité qui frôle avec une sensation de blues que mes collègues et moi connaissons bien.

Alors, rien de tel que d’enchaîner immédiatement après.

 

Et cette semaine, c’est un programme de récital qui m’attend avec un « vieux compère », le pianiste Aurélien Pontier. Nous jouerons Schumann, Brahms, Mendelssohn à Düsseldorf au Palais Wittgenstein sur l’invitation du Heinrich-Heine Institut.

Il s’agira là d’un autre exercice de style.

 

Je vous en parlerai bientôt !

🎬

#unevieenviolon #alifewithaviolin

Si cet article vous a plu, vous pouvez le diffuser et me suivre aussi sur ma page Facebook. Et avant toute chose, je vous invite à venir discuter avec moi en commentaires !

Raphale muses

#1 La préparation d’un concert

#1 - La préparation d’un concert🎶

Après l’article précédent où je vous parlais de mon actualité, j’ai envie cette semaine de vous parler de ce que préparer une série de concerts signifie – dans la réalité. 

 

Bien sûr, la préparation d’un concert est un vaste sujet en soi : de la logistique des voyages à la construction d’une interprétation, des répétitions aux challenges de la scène … Bref ! Une foule de sujets que j’aborderai sans doute dans des posts ultérieurs. 

 

Ce sur quoi je préfère me concentrer aujourd’hui, c’est de cette chaîne d’actions que l’on ne perçoit pas toujours de l’extérieur et que moi-même j’ai tendance (envie !) à vouloir oublier. 

 

Au moment de reprendre la route après ma pause estivale, le violon en bandoulière, ce qui me frappe, c’est l’ensemble de ces actions connexes en amont de l’entrée en scène. Et parfois cela relève de la course d’obstacles.

 

…à temps ⏱

 

Vu de l’extérieur, on peut penser que le musicien ne se prépare que pour jouer son programme musical sur scène le jour J. 

 

Il est vrai qu’on associe souvent une vision romantique à la vie de musicien, un artiste bohème qui en somme attendrait semi-passivement d’être visité par les Muses, par l’inspiration au moment du concert. En effet, il y a quelque chose de cet ordre : comme si chaque moment de concert, incarnation de l’éphémère, était l’aboutissement momentané de toute la ligne de vie de l’artiste; tout ce qui précède mène à ce moment. 

Raphale muses

Mais derrière cet instant sacré se cache une infinité de préparations multiples : de la logistique la plus basique à l’organisation du travail artistique. 

 

En fait, il est plutôt question d’intendance, souvent, de rituels, parfois; en somme, d’un multi-tasking vertigineux. 

 

Le point commun qui me semble regrouper tous ces aspects, qui m’occupent voire me préoccupent, c’est la gestion du temps. 

 

Cela peut sembler ironique car ne dit-on pas que la musique est l’art du temps ? Et bien, une vie de musicien est une tentative permanente de trouver un équilibre, à la recherche d’un…rythme perdu pour arriver « à temps ». 

 

Rythme de vie, rythme de travail. Un rythme suffisamment ferme pour générer une musique harmonieuse et suffisamment souple pour pouvoir respirer. Alors, oui, chaque musicien se doit d’être un maître des horloges, à sa façon … 😉

De la logistique au travail musical...

Bienvenue à l’agence de voyages Marina 🌴✈️🚅🚗🗻

Il y a d’abord l’organisation des agendas et des déplacements. 

 

Beaucoup de mes collègues musiciens seraient d’accord avec moi. Après quelques années à tourner, on en vient à développer des compétences dignes des meilleures agences de voyage ! 

 

Trouver le billet le moins cher en un temps record qui vous permettra d’arriver à temps, en évitant les correspondances et attentes inutiles dans les aéroports et bien sûr, sans oublier de prendre en compte dans la réservation l’instrument que l’on doit prendre en cabine. En espérant que tout soit à l’heure et avec le bagage à l’arrivée. 

 

Les anecdotes liées à des péripéties sur ce sujet pourraient faire l’objet d’un post à part entière, et pourtant je ne suis ni guitariste ni violoncelliste…

 

Et je ne développerai pas aujourd’hui sur l’obtention des visas, renouvellement de passeport et autres réjouissances administratives liées aux voyages.

A la recherche de l’atelier idéal …

La gestion du temps se décline parfois aussi dans des aspects très terre-à-terre comme l’organisation du planning de répétitions avec différents collègues sur différents programmes dans différents lieux. Casse-tête chinois qui se complique quand il faut en plus trouver des lieux avec piano dans lesquels répéter. 

 

Mes amis parisiens en savent quelque chose : c’est ma nouvelle obsession !

 

Je suis constamment à la recherche de ce lieu idéal, si possible avec piano, dans lequel pouvoir travailler nuit et jour au calme. Idéalement hors de chez moi mais pas trop loin. Un atelier… pour justement arriver à créer des moments de concentration « hors du temps » !

De la valise au violon ou l’art des rituels 👝

La logistique, c’est aussi la valise. Les « fringues » de concert amenées au pressing, prêtes et lavées à temps. 👗👠 La pile de partitions si possible à portée de main, au cas où la valise serait perdue.

 

A chaque valise que l’on fait, on réinvente un peu sa vie. C’est un mélange entre une routine machinale voire un moment qui peut se transformer en phobie (personnellement, je déteste faire ma valise) mais aussi, un moment d’excitation car chaque nouveau déplacement, chaque nouveau festival est un chapitre vierge à écrire (et j’aime bien démarrer une nouvelle page). 

 

Autre passage obligatoire avant une série de concerts : je fais un saut rue de Rome, la fameuse rue des luthiers. Je passe à l’atelier Vatelot-Rampal pour mon violon puis à l’atelier d’Arthur pour mon archet. 

 

Chez Alex et Arthur, je laisse mon archet un ou deux jours pour qu’on lui refasse la mèche : cela veut dire poser une nouvelle mèche de crins sur la baguette. Vous savez, ces crins de chevaux (si, si..!) sur lesquels on met la colophane (la résine comme les danseuses au bout de leurs pointes) et avec lesquels on frotte littéralement les cordes pour produire le son. Au bout d’un moment, les crins s’usent ou sont trop chargés de colophane. Pour avoir une résonance optimale, rien de tel qu’une mèche neuve. 

Mèche Archet Violon

A l’atelier Vatelot-Rampal, c’est Adélaïde qui s’occupe de mon violon. Elle change mes cordes (Non, je n’aime pas le faire. Depuis que je suis petite… assez honteux j’avoue). Adé vérifie que mon violon ne s’est pas décollé. Les violons italiens sont capricieux parfois et avec le temps (le mien n’est pas tout jeune…), ils ont souvent des zones de fragilité. 

 

On dit bien qu’un bon artisan se reconnait à l’état de ses outils. Et on peut ajouter qu’il y a quelque chose de rassurant à se dire que l’on met toutes les chances de son côté. Parmi tous les paramètres que l’on ne pourra pas contrôler, voilà une petite contribution. 

 

Et puis, pour moi, les luthiers et archetiers sont des amis, un peu substituts de psy parfois, qui écoutent non seulement nos instruments mais aussi nos moments de stress et de névroses. Et puis ils sont devenus des amis fidèles au fil du temps. Cela fait plus de vingt ans que je vais à l’Atelier Vatelot Rampal. Et à chaque fois que j’y vais, c’est un peu comme si j’allais « à la maison ». 

Le coeur de la préparation 🎼 🎻

Bon, c’est bien tout ça, me direz-vous… mais alors, quand est-ce qu’on joue ?

 

La gestion du temps, c’est bien sûr avant tout l’organisation de mon temps de travail personnel. Là il s’agit de préserver des îlots de calme, de réflexion, de contemplation. Ce qui est dur à quantifier. En fait, c’est un processus d’intégration qui passe par différents canaux et différentes phases ou séquences difficilement séparables.

 

Dans ce temps de travail personnel, j’inclus aussi la préparation physique, la réflexion sur la posture et des étirements sous forme d’exercices de QiGong par exemple. Car la préparation de la scène, au-delà de l’apprentissage d’une partition, se décline dans trois aspects : le mental, l’émotionnel et le physique. J’en parlerai plus longuement une prochaine fois.

Des neurosciences au violon ou comment optimiser son travail ⏳

Entre mes 15 et 30 ans, il m’est arrivé de travailler régulièrement 8 à 9 heures par jour. Mes (pauvres) voisins s’en souviennent. Avec le recul, j’émets de sérieux doutes sur la nécessité d’une telle quantité d’heures. Il est vrai qu’à cet âge, l’enjeu est autre. Il y a une vraie boulimie musicale – on veut tout jouer – et on s’attelle à construire son répertoire, à développer une relation forte à l’instrument. 

 

Pour autant, mon rythme de vie (déplacement, enseignement, études supérieures) m’a amenée à privilégier la qualité à la quantité. Le pédagogue russe Leopold Auer conseillait à ses élèves de travailler au maximum trois heures par jour. Au-delà il y a un risque de saturation des capacités d’intégration du cerveau. Et il faut reconnaitre que la quantité sert souvent seulement à nous « rassurer » et à calmer nos états de nervosité. Mais cela a un prix fort sur le corps – fatigue physique et sur-sollicitation musculaire – et sur le mental – perte de la ferveur et de la fraîcheur par rapport à la pièce. 

 

Alors, avant d’attaquer une phase de préparation intense pour une séquence de concerts avec un nombre de pièces conséquent, la première chose que je fais est de m’armer d’une feuille de papier et d’un crayon. J’essaie tant bien que mal d’évaluer le temps nécessaire pour chaque pièce et de voir sous forme de rétro-planning quand chaque pièce doit être « visitée », lue ou relue. Parfois, j’ai l’impression de jongler. 

 

J’ai aussi appris avec le temps l’importance de prévoir des phases sans travail actif. Laisser le cerveau intégrer les données, en mode « veille ». Le moment où je sais que la digestion a lieu est quand je « rêve » littéralement de la pièce, elle se rappelle à moi dans ma tête, je me mets à la chanter intérieurement, à percevoir de nouvelles relations à l’intérieur de l’œuvre. C’est un processus assez irrationnel.

Laisser le temps au temps

Il faut arriver à créer des priorités, entre pièces neuves ou anciennes. Ne commencer ni trop tôt (c’est rare!), ni trop tard pour selon les cas, garder la fraicheur et/ou laisser mûrir. C’est une équation tendue. Sachant que l’idéal est cette sensation de rêver les pièces, de les re-composer, autrement dit de les avoir intégrées tellement qu’elles n’ont plus qu’à jaillir de notre inconscient. Un idéal entre abandon et contrôle.

 

La construction de ce planning est parfois périlleuse entre temps long, moyen et court.

Par « temps long », j’entends d’abord le fait que j’ai commencé à jouer du violon et à étudier la musique à trois ans. Donc je peux m’appuyer sur maintenant plus de trente ans de musique à hautes doses quotidiennes. J’ai déjà un long passé avec certaines pièces qui habitent mon imaginaire depuis la plus tendre enfance.

 

Le temps moyen, c’est le fait qu’au cours des études et des différents concerts et festivals, j’ai construit une large base de répertoire que je joue plus ou moins régulièrement; un peu comme si, je disposais maintenant de pièces en stock dans mon congélateur ou disque dur…comme vous voulez ! On en deviendrait presqu’un juke-box !

 

Le temps moyen, c’est aussi celui de l’anticipation de l’apprentissage de nouvelles pièces. Par exemple de pièces ardues ou de musique contemporaine qui nécessitent une réflexion sur le langage, la lecture de la partition ou alors pour la mémorisation de certaines pièces, comme je l’ai fait pour les sonates de Schumann avec Abdel Rahman El Bacha. 

 

Le temps court, c’est celui de l’apprentissage de nouveaux répertoires, parfois à une vitesse grand V. Expérience, rapidité de lecture à vue, anticipation des formes et des structures : on a des kilomètres au compteur. Entre création d’œuvres nouvelles et festivals de musique de chambre ou remplacement au pied levé.

La vertu des basiques

Une  de mes lubbies, et mes élèves le savent, c’est la pratique des basiques. J’ai découvert ce concept lors de mon année passée à enseigner à la Taipei National University of the Arts en 2009. Dans la bibliothèque principalement anglophone, j’ ai découvert des trésors pédagogiques sous la forme des méthodes écrites par le professeur anglais Simon Fischer. Je me suis ainsi familiarisée avec les techniques d’enseignement de la grande pédagogue du violon américain, Dorothy Delay. Professeur célèbre qui a enseigné à la Juilliard School de New York et ancienne assistante d’Ivan Galamian. Je vous reparlerai de ces figures de la pédagogie du violon. 

 

L’idée maîtresse est la suivante. Quand on dispose d’un temps limité, à quel tâche consacrer ce temps ? Il existe à ce sujet une jolie histoire qui dit qu’à choisir un bûcheron, passera le maximum de ce temps imparti à aiguiser ses outils, à affûter sa hache. De même pour les sportifs qui vont mettre le maximum de leur temps sur la préparation de fond. Et bien pour nous, il y a quelque chose de similaire. A choisir entre répéter (au sens littéral du terme) un morceau, on préférera huiler les rouages, faire des gammes et des sons filés pour retrouver les sensations profondes, « serrer quelques boulons ». 

Alors, musicien ou chef cuisinier ?

Le grand violoniste russe (mon idole, vous le savez déjà), Jascha Heifetz disait :

« Pour jouer du violon, il vous faut les nerfs d’un torero, la vitalité d’une hôtesse de boîte de nuit et la concentration d’un moine bouddhiste ».

 

J’aurais envie de rajouter à cette description de compétences, celle du sens de l’organisation d’un chef cuisinier. Si on file la métaphore, il s’agit non seulement de concocter un plat savoureux, respectueux de la recette et créatif, innovant avec une touche personnelle mais aussi de choisir les meilleurs ingrédients, de maitriser le temps de cuisson des différents plats : savoir quand lancer en cuisine les différents plats pour qu’ils soient présentés et servis à la juste température, à temps. 

 

Dans la musique, rien que dans la musique

Qui eût cru qu’être musicien pouvait générer de telles activités et un tel sens de la planification ? Alors oui, certains artistes sont entourés d’une équipe qui les bichonne, les babysitte même parfois. Et certains de mes collègues sont chroniquement désorganisés et en retard. On les aime quand même…

 

En fait, le but de toutes ces actions contrôlées, c’est de créer l’espace pour accueillir un moment de magie, un moment de liberté. Tout ce chaos, ce bruit organisationnel tend vers une harmonie, et surtout vers un moment de silence. Finalement, le moment du concert où l’on se retrouve sur scène, silence avant que la musique ne commence. 

 

Vous vous doutez que j’ai hâte d’être sur la route… je vous écris d’ailleurs depuis un Eurostar bien matinal.  

 

En fait, j’ai hâte surtout d’être dans ces moments « hors du temps » où je suis dans la musique, rien que dans la musique.

🎬

#unevieenviolon #alifewithaviolin

Si cet article vous a plu, vous pouvez le diffuser et me suivre aussi sur ma page Facebook. Et avant toute chose, je vous invite à venir discuter avec moi en commentaires !

Une rentrée bien chargée et pleine de musique

Je n’ai pas l’habitude de beaucoup écrire ici. Mais voilà, nouvelle résolution pour la nouvelle saison. Je vais essayer de partager avec vous un peu plus de mon actualité et de mes activités. 

J’aimerais vous parler aujourd’hui de mon programme des trois prochains mois. Je suis impatiente de commencer une série de beaux rendez-vous musicaux. J’ai hâte de jouer avec des collègues merveilleux comme Nicholas Daniel, Katya Apekisheva et Leonard Elschenbroich à Leicester (UK), Aurélien Pontier à Düsseldorf (Allemagne) et Poitiers, Abdel Rahman El Bacha et Tedi Papavrami en Italie. 

Le répertoire va être conséquent : pièces francaises en solo avec orchestre, le Concerto de Beethoven, les sonates de Schumann, Schubert et Brahms, trios de Beethoven, et beaucoup de musique de chambre de Dvorak, Martinu, Bartok et Rachmaninov ainsi que de la musique contemporaine de Thea Musgrave. 

Ce qui m’excite en particulier, ce sont la variété des lieux dans lesquels je vais me produire, les multiples collaborations artistiques qui m’attendent et le vaste répertoire que je vais jouer. 

© Marco Borggreve

The new season is starting !

Dear friends, liebe Freunde, cher.e.s ami.e.s,
here is an overview of my concert dates for the next months. I will be travelling a lot. I hope to see many of you here and there. Please do let me know if you are coming to some concerts and most importantly, come and say Hi afterwards ! Sometimes some people think it disturbs the artist and they don’t dare come but let me tell you something, it is not true for me. Of course, it might happen that I am exhausted and need to get changed very quickly or that I am just starving, but being in touch with the audience after a performance is so rewarding.
That being said, I look forward to playing with wonderful colleagues like Nicholas Daniel, Katya Apekisheva and Leonard Elschenbroich in Leicester (UK), Aurélien Pontier in Düsseldorf (Germany) and Poitiers (France), Abdel Rahman El Bacha and Tedi Papavrami in Italy. And the repertoire is going to be huge : french solo pieces and Beethoven Concerto, sonatas by Schumann, Brahms, trio by Beethoven, lots of chamber music by Dvorak, Martinu, Bartok and Rachmaninoff and contemporary music by Thea Musgrave. Wish me luck ! And See you soon !